Paris – Londre à vélo, et en 24h

17h00, Parvis de Notre-Dame.

Alors que les cloches sonnent ce qui devrait annoncer la fin de journée, nous mettons le premier coup de pédale de la microadventure d’Octobre : rejoindre Londres depuis Paris à vélo et en moins de 24h.

Le défi est de taille cette fois-ci pour nous qui ne sommes pas vraiment cyclistes : nous allons devoir parcourir 300km, dont une bonne partie de nuit, en n’ayant que 5h de repos lors de la traversée de la Manche en ferry.

Partis d’Aix-En-Provence le matin même nous avons rejoint, non sans encombre, la capitale. En effet, pour prendre le départ, il a fallut démonter les vélos, les mettre en cartons, les monter dans le TGV malgré la réticence des contrôleurs, remonter les vélos, prendre le RER et se retrouver coincés pour cause de « colis suspect ». Autant dire que nous avons été plus qu’heureux lorsque nous avons enfin enfourchés nos vélos au point kilométrique 0 !

Philippe, un ami, s’est joint à nous pour cette expédition, et le trio quitte le centre de Paris à l’heure de pointe.

Rush hour

La traversée de Paris est presque une microadventure à elle seule !

Les rues sont encombrées et nous essayons de nous faufiler pour ne pas prendre de retard sur notre planning. Moins d’un quart d’heure après le départ Victor subit une première défaillance mécanique : une de ses pédales automatiques ne fonctionne plus. Nous passons une petite demi-heure à réparer avant de reprendre la route.

Au moment où nous passons par dessus le périphérique, il est difficile d’imaginer que nous serons le lendemain dans la capitale anglaise. Les banlieues se succèdent et se ressemblent. Nous progressons vers l’ouest et le ciel se teinte d’orange à mesure que le soleil tombe sous la ligne d’horizon.

Le plus court chemin est toujours la ligne droite

Il existe un itinéraire cyclable pour relier Paris à Londres : l’Avenue Verte. Longue de 400km, elle promet aux cyclotouristes une jolie balade entre les capitales. L’aménagement du parcours est irrégulier et se compose de pistes cyclables, de voies partagées ou de quais.

Pour réussir notre défi, nous avons choisi de n’emprunter que partiellement cet itinéraire pour aller au plus court. Néanmoins nous avons pris soin de choisir un tracé sur lequel le trafic routier sera faible, en particulier la nuit, pour des raisons évidentes de sécurité.

La nuit sera longue

L’entrée dans le parc du Vexin marque la fin de l’agglomération Parisienne et le début de la longue nuit qui nous attend. Les routes deviennent plus calmes, le ciel s’est alors complètement dégagé et nous pensons que nous passerons au travers de la pluie annoncée.

Au kilomètre 80 nous sentons les premiers signes de fatigue après 5h de pédalage et traversant parfois quelques averses. Le parcours est très vallonné et, désormais plongés dans le noir, nous ne pouvons plus anticiper les collines qui se profilent.

Nous avons en ligne de mire le village de Forges-les-Eaux à partir duquel une piste cyclable de plus de 50km a été construite sur une ancienne voie ferrée. Après des heures de pédalages sur les départementales, entre pluie et crachin, nous accédons enfin à cette piste à 2h26 du matin.

Celle-ci, plate comme un lac, permet d’accélérer la cadence malgré la fatigue. Nous sommes enfin plus rapides, sous la pluie battante et dans le noir, sur cette piste entourée d’arbres. A la seule lueur de nos lampes, ce paysage est apocalyptique.

La prochaine étape est d’arriver, 50 km plus tard, à l’embarquement du ferry à Dieppe. Le  départ du bateau est prévu à 5h30, nous pensons arriver vers 4h ce qui laisse largement le temps d’embarquer. Seulement voila, à cette heure avancée de la nuit, nous fatiguons.

Philippe est victime d’une crevaison, un comble sur cette piste de velours, et nous devons nous arrêter à plusieurs reprises pour ne pas s’endormir sur les vélos. Les kilomètres défilent malgré la monotonie qui continue à nous effriter le morale, et nous finissons par voir le bout de cette interminable piste. Nous sommes trempés. Philippe a pris de l’avance, plus rapide que nous, nous imaginons nous retrouver au bateau.

Dieppe, le moment ou rien ne va

A la sortie de la piste, nous nous perdons. Nous voilà tous les deux au milieu d’étangs de pêche sur un chemin truffé d’ornières remplies de boue. C’est surement un lieu de loisir et de pêche la journée, mais à 4h45 du matin sous la pluie et trempés, cela n’a rien d’agréable.

Nous faisons demi-tour, et alors que nous n’avons plus qu’une lampe frontale pour deux, nous atteignons une intersection. Impossible de savoir si nous devons aller à droite ou à gauche. L’écran du téléphone qui contient les cartes et qui nous localise est trempé et ne se laisse pas déverrouiller. Inutile d’essayer de l’essuyer avec nos vêtement qui ruissellent.  Nous choisissons évidemment le mauvais côté et après quelques centaines de mètres nous déduisons que nous faisons fausse route. Le port ne doit pas être loin, nous avons quasiment fait les 50km annoncés par les panneaux. Il est 5h, le ferry part dans 30 minutes, et ne savons pas où nous sommes.

En continuant la route, nous trouvons (enfin !) des panneaux indiquants le port. Nous continuons sans savoir qu’il reste près de 13 kilomètres pour atteindre le bateau. La fatigue n’existe plus et il faut puiser dans des ressources inattendues pour pédaler et ne pas rater le bateau (l’idée de dormir à Dieppe ne nous enchante vraiment pas à ce moment là).

Sans réfléchir, nous suivons les panneaux indiquant le Ferry et nous retrouvons sur une voie rapide réservée aux véhicules à moteur qui commence par une une cote raide. Un beau moment de sport, à deux, toujours sous la pluie, toujours trempés et toujours crevés.

Nous arrivons enfin a un sommet depuis lequel nous apercevons dans la brume le ferry ! Il est alors 5h26 et nous pensons voir partir le bateau sous nos yeux quand une employée de la compagnie nous voit (on ne sait pas comment) et nous fait des grands signes du bras.

Elle nous accueille avec un grand sourire et une bonne humeur contagieuse. « On vous attendait, votre ami est là ! ».

On apprendra finalement que le ferry a été retardé à cause du mauvais temps, mais qu’importe, on l’a eu ! Philippe nous raconte son aventure, seul de son côté. Il a trouvé une route moins vallonnée pour l’arrivée, mais n’a pas réussit à continuer la piste cyclable jusqu’au bout non plus.

Nous montons dans le ferry et nous préparons à savourer les 4h de traversée qui nous attendent. Nos vêtements sont gorgés d’eau, nous avons froids mais sommes tellement heureux d’être enfin à bord. Après un English breakfast bien mérité, nous somnolons pendant les heures qui suivent, au rythme d’une mer démontée, mais qu’importe, plus rien ne peut nous arrêter. Nous allons à Londres !

Londres nous voila !
Londres nous voila !

Plus que 100 kilomètres

L’annonce de l’arrivée au port de Newhaven nous rappelle que nous n’avons parcouru que les deux tiers du parcours. Autant dire que l’envie de pédaler est proche du néant lorsque nous passons l’immigration Anglaise et remontons sur nos vélos.

La campagne anglaise est belle, et en plus de changement de sens de conduite, nous avons le droit à un temps couvert mais sans pluie. Nous alternons entre nationales et plus petites routes, qui permettent de voir du paysage en évitant le trafic.

Très vallonée, la campagne anglaise nous remet vite les idées en place !

Au kilomètre 245, nous nous arrêtons dans une auberge pour nous restaurer et faire un point carte. Philippe pense qu’il peut encore atteindre Londres en 24h. Victor et Lilian savent qu’il leur faudra un peu plus de temps et nous nous séparons alors pour la dernière section du voyage.

Un autoroute encercle la région de Londres : la M25. Inconsciemment, franchir ce « périph » symbolisait l’arrivée dans Londres. Un coup d’oeil attentif à la carte nous met un dernier coup de marteau sur le moral. Il reste en fait 32 kilomètres, les plus longs du voyage, interminables. Nous entamons alors une montée si raide qu’elle nous force à descendre des vélos.

Les kilomètres défilent et l’urbanisation est de plus en plus dense. L’arrivée dans Londres est agréable. Sur les pistes cyclables, nous nous fondons dans la masse des cyclistes locaux. A un feu rouge, l’un d’eux nous interroge sur notre voyage avec un «Vous avez l’air d’arriver de loin !». Probablement que nos têtes en disent long sur les dernières 24h !

Tout fait mal, les fesses, les jambes, la tête, mais Londres en heure de pointe n’a jamais été aussi beau. Il est 18h30 heure locale. Philippe a réussi à rentrer dans le créneau de 24h et nous attend dans un pub. Ca y est, nous y sommes…Nous avons pédalé en tout 20 heures à 15 km/h (en comptant les pauses – hors ferry et les temps de réparation) pour un total de 25h50.

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Cette aventure, qui n’était pour le coup pas si « micro » que ça, nous en a mis plein les yeux, plein les jambes et plein la tête. Il s’agit peut-être même des 24 heures les plus intenses physiquement de notre jeune existence !

On peut le dire haut et fort…là, nous sommes vraiment sortis de notre zone de confort.