Cap au Sud

Contre-temps

19 octobre 2016 – Nous venons de faire 200m depuis l’hôtel, je suis à terre, mon vélo est sur moi. Il n’aura fallut qu’une seconde d’inattention pour que je percute la carriole et que mon vélo tombe à la renverse me déposant relativement gentiment sur le côté de la route. Quelques instants auparavant Taka, de l’autre côté de la route, nous salue du haut de son vélo. Lilian et moi le saluons en retour mais je ne m’aperçois pas que Lilian a freiné pour s’arrêter. Je ne suis pas encore debout que Taka a traversé la route, Lilian a sauté de son vélo pour m’aider à me relever. Mon vélo est à nouveau droit, moi je suis pliée en deux, je ne peux plus poser le pied droit à terre, mon genou est engourdit, mes jambes sont en mousse et ne supportent plus mon poids. J’attrape la bouteille d’eau qui est sur mon porte bagage et je nettoie tout de suite mon genou couvert de sang. Taka est très embarrassé, il se sent coupable. Il déplace le vélo de Lilian pour que les filles soient à l’ombre. Elles ne se sont aperçues de rien et continuent d’écouter des chansons en compagnie des dames qui vendent des brochettes sous leur parasol. On désinfecte tout de suite la plaie de 2cm et un peu profonde. Seul le cuir de la peau est touché, après avoir posé quelques steristrip et avoir bu un coup d’eau je me remets en selle. Nous reprenons la route sous le regard désolé de Taka qui s’en veut terriblement. Ce n’est la faute de personne, c’est un concours de circonstances, personne ne doit s’en vouloir, il faut continuer à avancer.

Mes paumes de mains sont égratignées, un grand classique qui rend difficile de trouver une position agréable sur le guidon. Grâce à mes cornes je finis par trouver une position assez satisfaisante. C’est parti, après un faux départ nous pouvons commencer la journée ! Lilian reste devant mais fait attention à garder une vitesse assez basse pour que j’arrive à suivre.

Mon genou me brûle, rien de plus normal j’ai quand même une plaie. Je pousse plus sur la jambe gauche et puis voila, ça va le faire. 1 km plus loin je n’arrive pas à sourire aux Thaïlandais qui me lancent des « Sawat die kha« … Aurais-je perdu le sourire dans la chute? L’effort pour rester concentrée sur la route et sur mon pédalage est en fait trop important, j’ai beau être une femme je n’arrive plus à faire deux choses à la fois. 2 km plus loin je sens tout mon corps qui me rappelle à l’ordre : « Hey dis cocotte, tu t’en vas où comme ça ?« . Je demande à Lilian de faire une pause : « Je ne me sens pas bien il faut qu’on s’arrête un peu« . Mon pansement est plein de sang, les steristrip n’ont pas tenu, la plaie est trop humide, de sang, de biseptine, de sueur. Inutile de pousser plus, la route attendra. Nous faisons demi-tour. Il y a un hôpital dans la ville que nous venons de quitter, jouer les durs n’avance à rien, allons y faire un tour.

La pharmacie et le cabinet du médecin ne font qu’un. La salle d’attente est ouverte sur la rue. Nous garons nos vélos à côtés des scooters, j’essaie ma sueur autant que je peux avec mon bandeau et nous nous déchaussons pour entrer. Lilian et les filles restent sur les chaises à l’extérieur. Je m’assieds avec un peu d’hésitation sur un banc à côté d’une dame qui est rentrée en même temps que moi. Je sens que derrière le comptoir les assistantes médicales me regardent avec discrétion. J’attends mon tour, ils m’ont tous repéré., inutile d’en faire plus.

Les regards en disent long. J’ai le pressentiment qu’elles ne parlent pas anglais. Je demande à Tess de me passer le petit carnet « Point-it » que nous avons avec nous. Ce manuel regroupe des photos qui « doivent » permettre de communiquer dans une langue que l’on ne maitrise pas en montrant simplement les images. Yes ! nous ne le trimballons pas depuis 10 mois pour rien, il va enfin servir ! Et contre toute attente le médecin sort de son cabinet et me fait signe d’approcher. Il parle anglais lui, tant pis le « Point-it » ne servira pas aujourd’hui. Par contre il ne peut rien faire pour moi il faut aller à l’hôpital qui est juste derrière.

On remonte sur les vélos et 100m plus loin un hôpital en bonne et due forme se présente à nous. Nous garons les vélos, j’essuie à nouveau les grosses gouttes de sueur avec un bandeau, nous enlevons nos chaussures et nous présentons à l’accueil. En 2 minutes nous sommes entourés de tout le service de l’hôpital qui vient photographier, toucher et questionner les filles. Tout ce beau monde reste avec nous dans la salle de soin qui donne sur l’extérieur. L’infirmière me pose 2 points, me donne des antibiotiques, des antidouleurs et des gélules de vitamine C pour les filles (elles n’ont pourtant pas l’air d’être en si mauvaise forme que ça ;-) ) Il faudra faire enlever mes points dans 7 jours dans un autre hôpital.

Piqure de l'anesthésie - même pas mal
Piqure de l’anesthésie – même pas mal

La rapidité de la prise en charge et l’accueil que nous avons reçu nous font presque plaisir d’avoir vécu cette expérience.

Pays du sourire et du coeur sur la main

Retour à l’hôtel où le gérant est désolé de nous revoir et avec la plus grande gentillesse nous donne une chambre supérieure à celle de la veille pour un prix inférieur, de plus il a envoyé son fils acheter des compresses et du sparadrap !

Lilian part faire quelques courses et croise Taka qui ne sait plus comment s’excuser pour l’incident du matin. Il passe une bonne partie de l’après-midi avec nous. Il est sur la route avec son vélo depuis 18 mois et suite au vol de sa monture il est coincé sur un petit vélo pliable peu efficace qui ne lui permet pas de « sortir » de cette ville entourée de montagnes. Taka dessine pour les filles, nous raconte ses histoires et nous offre une médaille du roi que les moines lui ont donné pour qu’il la donne à des personnes qu’ils croisera sur sa route. Nous sommes touchés.

Le lendemain Taka nous attend devant notre hôtel pour faire les premiers km de la journée avec nous. Quand nous le quittons il n’y a plus de sourire sur son visage, on sent qu’il est inquiet pour nous et qu’il se sent coupable. Nous avons un pincement au coeur et ferons doublement plus attention à l’endroit où nous mettons les roues cette journée là.

Ce pays est vraiment très accueillant et nous épate tous les jours. Les actes de gentillesse des Thaïs à notre égard sont quotidien et chaque fois cela nous touche toujours autant. Nous ne comptons plus le nombre de bouteilles d’eau, les kilos de fruits et autres aliments qui nous ont été offerts en quelques jours. Les stations de police ont des aires de repos dédiées aux cyclistes où nous pouvons remplir nos gourdes, prendre un café et (tenter de) faire descendre notre température corporelle sous le ventilateur. Toutes les personnes que nous croisons nous offrent leur plus beau sourire. Dans les campagnes la végétation est dense et on ne voit pas toujours les personnes qui nous lancent « Hello », « Welcome » avec beaucoup d’énergie positive.

La sortie des montagnes

Depuis Chiang Rai, logé au nord du pays au milieu des montagnes, nous nous attendons à avoir encore un peu d’oscillations sur notre altimètre mais pour nous le plus dur est (déjà) derrière nous. En effet le col que nous avons passé en partant de Thaton pour aller à Mae Chan nous a mis à rude épreuve pendant 1h30 et sur 4km. Nous avons été contraint à 4 pauses pour reprendre notre souffle et (re)boire toute l’eau perdue dans les grosses gouttes de sueur.

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Bref, les grosses ascensions sont derrière nous… oui sauf que nous sommes toujours au coeur de ce massif montagneux qui s’étend encore sur 400km vers le sud… là où nous allons…

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20 octobre 2016 : Départ de Ban Mae Kashan

Plus nous progressons vers le sud plus nous nous disons que la journée va être facile, à traduire par « moins de côtes raides ». Sachez chers lecteurs que les chiffres peuvent masquer beaucoup de détails importants. Quand on prévoit une journée de 64km avec 400m de dénivelé c’est pas le dénivelé total qui est important mais les pentes. Lilian prépare toujours super bien les itinéraires et suis en direct les côtes, distances etc… mais là encore il peut y avoir des surprises. Sur cette fameuse journée de 64km nous avons un faux plat montant de 30 km puis une montée raide de 130m divisée en 3 parties.

Une pause avant la montée
Une pause avant la montée

Nous sommes prêts pour cette grimpette qui arrive en plein milieu du parcours, ce qui n’est pas négligeable. En fait à cause de l’amplitude kilométrique de la journée et de l’important pic au trentième kilomètre, les oscillations des 30 premiers km ont été masqué dans notre évaluation. En fait, nous nous échauffons sur des dents de scies d’une petite dizaine de mètres et bien raides sous une chaleur humide de 36°C.

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Un petit coup d’oeil à la carte

L’avantage c’est qu’après une montée ça descend et ça fait un peu de vent ;-) En fin de journée nous sommes sur les rotules, surtout Lilian car il a tiré la carriole toute la journée pour ne pas que je force sur mon genou. Nous trouvons un hôtel en campagne à Chae Hom. Contents de n’y passer qu’une nuit car il n’y a nul part où manger après 17h30. Tout le monde est couché à 19h30 ce qui n’est pas plus mal car la journée suivante est la même pour aller à Lampang.

Une fois en ville nous prenons 2 jours de repos bien mérités pendant lesquels nous prenons plaisir à faire un peu de tourisme.

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Remix du lièvre et de la tortue

24 octobre 2016 – Départ de Lampang

Suite aux mauvaises surprises des derniers jours Lilian tourne les itinéraires dans tous les sens pour éviter d’avoir trop à monter. Je sens que les deux derniers jours à tirer la carriole tout seul l’ont vraiment fatigué. Les filles ont grandi, la carriole pèse maintenant près de 60kg, oui quand même !

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La veille de notre départ le chef de famille de la GuestHouse familiale où nous séjournons tient à nous faire éviter l’axe principal et nous indique exactement le même itinéraire que celui que Lilian avait tracé. Nous ne pourrons donc pas mieux faire en terme de dénivelé. Nous avons 70km à faire et 600m D+. Cette fois ci nous nous relayons car mon genou ne me fait plus souffrir.

Là encore la journée commence par 25km de faux plat montant à travers la campagne sur des belles routes au milieu des rizières.

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Les pouces en l’air (« like ») sortent des fenêtres, les sourires et encouragements sont là. La journée commence bien, nous sommes en pleine forme ! La montée arrive.

Il y a pas mal de traffic sur la route mais la zone de travaux sur la voie de gauche (on roule à gauche ici) nous permet d’être un peu protégés des voitures qui arrivent de derrière. Ils sont en train de refaire la glissière de sécurité. Le béton armé est soudé sur place sous cette chaleur de plomb, un peu plus en amont il y a le stand pliage des barres de fer, toute la chaine de production est sur place !

Les encouragements sont toujours en rendez-vous, la pente est raide puis s’aplatit un peu avant d’être très raide. Nous poussons sur les pédales en nous félicitant d’avoir changé notre braquet (0,6). Cela nous permet de mieux grimper qu’en Amérique centrale (braquet >1).

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Un vélo de route nous double dans la montée en nous lançant un « Hello ». Il va tellement vite que nous remarquons seulement que ce n’est pas un local à cause de ses poils aux jambes. Oui j’ai quand même eu le temps de voir ce détail ;-). Dans la minute qui suit, un thaïlandais cette fois-ci, nous double. Nous qui avions l’impression de bien avancer… bon tout est relatif car comme on dit « ils sont tout nu » : juste une gourde en guise de chargement ! Et puis voila qu’un tandem de Canadiens nous passe, puis deux américains qui nous lancent en pleine montée : « Comment allez vous? » Heu… comment dire, ça allait il y a quelques minutes mais là c’est un peu déprimant d’avoir autant de personnes qui nous passent devant alors que les cyclistes ne courent pas les rues… Et puis un minivan de l’agence de voyages qui organise cette belle virée cycliste nous dépasse. Malgré le petit coup de mou, parce que nous étions (un peu) en train d’en baver dans cette longue montée de 7km, nous sommes contents d’être des escargots qui portons notre maison.

Le groupe nous attend après la grande descente qui suit cette grande montée. Ils sont partis de Chiang Mai (comme nous il y a un mois) la veille et seront à Bangkok dans 11 jours. Les deux mois que nous avons devant nous les laissent rêveurs.

Ils nous posent des dizaines de questions auxquels nous répondons avec grand plaisir. C’est chouette de pouvoir parler en anglais et non avec des signes.

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Après encore 2 jours avec grimpettes surprises assez raides nous finissons par arriver à Sukhothai qui marque l’entrée dans la région des plaines ! Cette fois-ci les côtes sont VRAIMENT derrière nous, à nous le plat, direction le SUD !

 

 

 

 

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