Notre année sur les routes arrive à sa fin. Nous attaquons le dernier tronçon de vélo avec la troisième équipe relai qui est constituée de ma soeur Agathe et de son copain Denis. Ils terminent les 6 semaines de relai-vélo pendant lesquels nous avons eu avec nous, mes parents (La Thaïlande en relai : équipe 1) et les parents de Lilian et sa soeur (La Thaïlande en relai : équipe 2).

Fuir Phuket !

L’équipe 2 est dans l’avion et nous embarquons avec l’équipe 3 sur un bateau navette pour aller à Krabi dans l’espoir de retrouver le calme de la campagne que nous aimons tant. Notre passage furtif sur la plage de Patong où l’on y trouve toutes les facettes du tourisme de masse nous a vacciné pour un moment contre les lieux « trop » touristiques. Nous préférons nous glisser dans les campagnes par les routes peu passantes et y découvrir le pays de l’intérieur.

Billets en main, un homme nous colle un sticker de couleur sur le torse. Nous sommes devant 4 bateaux les uns à côté des autres, les premiers jouent le rôle de passerelle pour joindre les derniers. L’homme à l’entrée de la passerelle me montre trois doigts et me dit « First » (premier)… Il n’est pas inhabituel qu’ils confondent les chiffres. Afin qu’il confirme si nous devons nous arrêter sur le premier bateau ou s’il faut que nous allions sur le troisième, je lui montre à mon tour trois doigts. Il me fait un grand sourire. Allons sur le troisième bateau !

Nous sommes dans les premiers à monter à bord. Nous faisons des aller-retours entre le quai et notre navette pour y embarquer vélos, carriole et enfants. Une fois les vélos attachés au garde-corps du bateau ce sont des centaines de valises et sacs à dos qui s’empilent sur le ponton. Nous installons les filles dans la cabine pour qu’elles soient à l’abri du soleil et au frais de la climatisation. Dès que le bateau part, les piles de sacs qui encadrent la porte de la cabine s’affaissent. La porte ne peut plus être ouverte. Qu’à cela ne tienne, ceux qui voulaient rentrer restent dehors et ceux qui sont dedans restent dedans… on imagine très mal une situation d’urgence… mais la traversée se fait tranquillement.

Je suis épuisée des quelques jours passés à Phuket. Je dors pendant la traversée et rate (certainement) de très beaux paysages. Ceci ne fait que confirmer que lorsqu’on est en voyage on ne peut pas tout voir. Il est possible de passer à côté du plus beau temple ou de la plus belle plage, etc… pour nous le voyage consiste à profiter du temps que nous avons et il n’est pas infini. Je préfère faire une sieste quand je le peux pour être plus en forme dans la journée quand il « faudra » être opérationnelle.

Quand j’ouvre les yeux, nous sommes à quelques minutes d’arriver à AO NANG. L’eau est bleu turquoise, la plage est déserte et le sable (semble) propre. Les cocotiers en arrière-plan terminent majestueusement la carte postale. Tout autour de nous se trouvent des dizaines d’îles recouvertes de végétation qui laissent deviner des rochers noirs. Je n’en reviens pas de la beauté des lieux ! Ces paysages sont une vraie bouffée d’air frais.

La logistique pour descendre du bateau me ramène à la réalité. Il faut descendre les vélos en premier pour que les tas de sacs puissent être démolis par les propriétaires bien trop stressés et qui n’hésitent pas à tirer sur leur valise qui se trouve sous 5 autres sacs… Le ponton est rapidement une zone de chaos. Je ramène un vélo à quai puis retourne à contre-courant sur le bateau pour en ramener un autre. Les filles sont toujours dans la cabine avec Agathe et attendent que la porte puisse s’ouvrir… Après quelques aller-retours un peu sportifs nous voilà tous à quai et trempés de sueur.

À la vue de la plage désertique, les filles sautent de joie à l’idée d’aller se baigner. Nous déposons nos affaires dans la première auberge conseillée par notre guide (seul livre que nous avons avec nous) puis direction la plage. Le soleil est à son point le plus haut, nous nous couvrons un maximum pour ne pas nous faire manger par le soleil et sautons tous à l’eau… qui n’est pas du tout rafraichissante. Compte tenu de notre état de fatigue, de la beauté des lieux et du temps que nous avons devant nous, nous décidons de prendre un jour de plus dans cet environnement paradisiaque avant d’entamer les derniers jours de vélos de cette grande aventure.

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Krabi

Le bateau nous a laissés à 17km au nord de la ville de Krabi. Notre première journée de vélo, avec Agathe et Denis, nous amène au centre-ville de Krabi pour notamment profiter du night-market, activité typique de la Thaïlande. La matinée passe vite, nous les ménageons avec cette petite journée de vélo. Arrivés en ville nous nous retrouvons sur la place où a lieu le marché de nuit. Nous apercevons un hôtel dans lequel Lilian s’empresse de rentrer pour demander s’il y a de la place pour nous. Nous n’avons jamais eu de problème sur ce point, il s’agit plutôt de valider la propreté des lieux et l’honnêteté du prix demandé. La grande chambre familiale avec un grand lit de 2m de large et un lit une place de 120 cm est parfaite, nous dormirons tous les 6 côtes à côtes. L’hébergement a toujours sa part d’aventures sinon ce n’est pas drôle.

Le repas a aussi sa part de surprise. Un petit restaurant végétarien nous tend les bras. Nos invités, étant végétariens, sont enchantés. La dame nous regarde entrer avec malice et nous annonce que la plupart des plats sont épicés. Nous commandons des plats dits « non piquants », mais décidément nous n’avons pas tous les mêmes critères. Nous passons à nouveau commande d’un bol de soupe ou de riz pour faire passer les piments.

Avec l’après-midi devant nous nous montons dans un taxi pour aller au Temple « Tiger Cave ». Le chauffeur nous laisse 1h30 pour visiter le temple, le temps qu’il aille manger. Il y a des temples, ou disons plutôt des lieux de culte, au pied d’une paroi végétale. Le clou du spectacle est en haut du rocher qui est devant nous. Pour y accéder, il faut monter 1267 marches sous une chaleur humide de 35°C. Les filles sont préparées mentalement à monter au sommet, les gourdes sont remplies, les shorts sont remontés et c’est parti. On se raconte des histoires, on compte les marches dans l’ordre croissant puis décroissant, on fait des pauses, on boit de l’eau, on chante des chansons… tous les moyens sont bons pour rester motivés… ils ont eu la bonne idée d’inscrire le nombre de marches restantes assez régulièrement, cela permet de garder le cap. C’est raide, de plus en plus raide. Les filles sont à quatre pattes pour grimper les dernières marches.

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Une fois en haut, une fontaine d’eau potable nous attend. Comme quoi la récompense qui m’a le plus touchée n’est pas la vue, mais le fait d’avoir de l’eau… nous enlevons nos chaussures et le panorama qui s’offre à nous est magnifique. Nous sommes certainement à 300m de haut et à quelques kilomètres seulement du bord de mer. La vue est impressionnante. Les iles au large sont similaires aux rochers qui se dressent sur la terre. De vrais champignons rocheux couverts de cette végétation qui s’emmêle. Tout est tellement vert, c’est époustouflant. Ça donne du baume au coeur. Le béton de Phuket est effacé de notre mémoire.

C’est un peu la course dans la descente pour arriver à l’heure du rendez-vous fixé avec notre chauffeur de taxi. Les filles mesurent la chance que nous avons de rarement être contraint par les horaires : « J’aime pas quand on est chronométré Maman ! ».

Le marché de nuit nous offre tout ce qu’il y a de plus typique : le monde, les odeurs, le bruit, les animations… Manger sur les étals est un vrai plaisir. Les filles commencent à s’y connaitre et savent quoi chercher : le stand de maki, le stand de gaufre, le stand de riz gluant avec ou sans mangue sans oublier les pommes dauphines à la patate douce. Retour dans notre chambre pour entamer une nuit tous les 6 en chien de fusil.

C’est parti !

11 décembre 2016, nous remontons vers le Nord pour rejoindre dans quelques jours Surat Thani d’où nous reprendrons le train pour Bangkok. Je commence toujours la journée en tirant la carriole, je préfère tracter les 100 kg de chargement et d’enfants avec toute l’énergie que le petit déjeuner m’a apportée.

La sortie de la ville de Krabi est une bonne mise en situation pour notre équipe. Nos mots d’ordre sont : rester groupés et bien alignés.

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Cela fait 11 mois que je ne compte plus sur mon déodorant pour assurer ma fraicheur corporelle. Son efficacité se limite à quelques heures :  il fait bien trop humide, je transpire bien trop… à quoi bon s’acharner? Mieux vaut se rendre à l’évidence ce stick est inutile (ce qui n’empêche pas que je ne me sois pas résolue à m’en débarrasser… il a fait le tour du monde avec nous). Bref, je sais que vers 9h47 je commence à sentir ma transpiration. Non ce n’est pas dégoutant, c’est juste comme ça. Et il faut avouer que l’on s’y habitue et que l’on finit pas ne plus se sentir… bon les autres peut-être, mais tant qu’on est sur les vélos cela ne pose pas trop de problèmes sociaux. Et là, ce matin, arrive à mes narines une odeur agréable, une odeur fruitée. Je suis juste derrière Agathe et je lui fais la remarque : « Wow c’est agréable ça sent super bon par ici ». Elle ne me répond pas, elle n’a peut-être pas entendu. Et puis nous passons au milieu de plantation d’hévéas. Les hévéas sont les arbres qui produisent le latex, liquide récolté dans des petits bols placés à l’extrémité d’une saignée faite sur le tronc. Une fois sec ce liquide dégage une odeur des plus désagréables. Elle donne l’impression que l’on se balade au milieu d’une décharge. L’odeur fleurie disparait alors très vite.

Nous apercevons une grange dans laquelle un groupe est en train de travailler le latex. Ils sont fiers de nous montrer leur travail. Les premiers chauffent les boules de latex pour le rendre liquide. Ensuite, ils le versent dans une bassine le temps que la matière durcisse. Elle est ensuite aplatie à deux reprises pour finir en grosse semelle étendue au soleil où elle sèche et durcie. Nous y passons un beau moment d’apprentissage.

Je repasse à l’arrière du cortège. Agathe est juste devant moi. Cette douce odeur de fleur revient.

-  » C’est incroyable je ne vois pas de fleur et ça sent super bon, tu ne sens pas?  « 

-  » Ah, c’est peut-être moi. J’ai mis de l’huile essentielle de Palmasora ce matin. »

-  » C’est super cette odeur, j’aime quand ça sent bon ! »

Les jours suivants je teste cette huile essentielle magique et je suis vraiment séduite. Et oui finalement sentir bon est un luxe agréable à portée de main !

La journée passe vite et nous arrivons à notre destination peu après midi. Nous passons le reste de la journée au bord de l’eau au milieu de la mangrove. La marée est basse et l’eau est à près de 500m de nous. Les filets des pêcheurs sont apparents pendant de longues heures avant de se faire couvrir par l’eau une fois la marée inversée.

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Nous sommes au milieu de nulle part et les options de restauration ne courent pas les rues. Nous savons que la petite dame qui nous a fait à manger au bord de la route le midi est aussi ouverte ce soir, c’est un bon point. Néanmoins pour retourner à son stand il faut que nous marchions sur la route en pleine nuit et ça, nous essayons toujours de l’éviter. Les petites supérettes ne manquent pas, mais les étagères sont remplies de chips et de boissons sucrées. De loin nous apercevons des paquets de pain de mie, nous crions victoire trop tôt, le pain a pris trop de couleur pour être consommable. Tant pis, nous avons pris la route avec nos lampes de poche en restant au maximum sur le côté de la chaussée et sommes allés manger un super Riz frit aux légumes préparé avec amour sous nos yeux.

La région où nous sommes est majoritairement habitée par des musulmans. Les temples laissent place aux mosquées et les femmes sont voilées. La plupart des villages Thaïlandais ont des haut-parleurs dans la rue utilisés pour diffuser certains messages ou prières. Ici, les hauts-parleurs sont utilisés pendant les 5 prières musulmanes quotidiennes. Nous remarquons la puissance du son au coucher du soleil… et à 4h du matin au crépuscule… ce qui est un peu perturbant quand on ne s’y attend pas et que l’on dort dans une cabane en bambou. L’ensemble des éléments nous entourant ne nous permet pas de trouver un sommeil totalement réparateur.

Entrée dans les terres

12 décembre 2016, nous quittons la côte pour rentrer dans les terres. Les routes sont peu passantes, nous en profitons pour discuter un peu sur les vélos, c’est agréable ! Nous sommes toujours sur des rotations de carrioles et compte tenu des petites journées nous tournons tous les 12km. Autant dire que ça va vite. La journée est bien rythmée.

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Les touristes ne sont pas monnaie courante dans le coin, mais nous trouvons un « Tourist Information » sur la route où il est indiqué « Snacks ». Tous nos doigts appuient sur les freins de nos vélos pour ne surtout pas rater (peut-être la seule occasion de manger avant d’arriver) l’opportunité de manger un bon riz frit qui va nous redonner du fuel. Seul le panneau parle anglais… impossible même de faire comprendre RIZ alors que nous le disons en Thaï (oui certainement mal, mais jusque là ça passait…). La dame se met à mimer le poulet pour me faire comprendre poulet. À mon tour je mime le poulet en lui dessinant un oeuf avec mes mains pour lui dire qu’elle peut mettre des oeufs dans notre plat. Tout le monde finit par éclater de rire une fois la conversation terminée. Tant qu’il y a de la bonne humeur, on peut arriver à beaucoup de choses.

Une fois le riz frit avalé nous continuons notre route à travers plans d’ananas, hévéas, palmiers à huile, bananiers… et arrivons au lieu dit où Lilian a repéré un motel. Nous ne le trouvons pas tout de suite et demandons au serveur d’un café un peu hipster (si si c’est vrai) s’il sait où se trouve l’hôtel le plus proche. Afin de lui rendre la monnaie de sa pièce nous commandons un jus d’orange qui coûte 2 fois le prix du riz frit du midi. Il nous oriente vers un hôtel à 3 km d’ici. En route nous apercevons le motel que nous visions, nous étions seulement à 100m. Agathe et Lilian vont jeter un coup d’oeil aux chambres. Non cela ne passe pas. il est 14h, nous ne pouvons pas passer la nuit dans une pièce moisie sans fenêtre, il y a certaines limites que nous ne franchissons pas (quand on le peut, une fois de plus).

Une dame nous voit repartir du motel et nous interpelle et nous lance les mots suivant « Not here. Hotel. 3 kilo». Elle passe un coup de fil et nous mime qu’un taxi va venir nous chercher. « c’est gentil, mais nous allons y aller en vélo ». La dame ne comprend pas que nous puissions y aller en vélo, elle est inquiète, cela se voit sur son visage. L’incompréhension est à son comble, personne ne parle la langue de l’autre et tout le monde se regarde sans rien faire. Je lui fais signe que nous allons à l’hôtel qu’elle nous conseille et nous partons doucement. À ce moment-là, elle se précipite à l’intérieur de sa boutique et sort avec son casque de scooter. Elle nous escorte jusqu’au hall d’entrée de l’hôtel. Nous la remercions chaleureusement et elle disparait en un éclair. La gentillesse des Thaïlandais ne finira jamais de nous surprendre ! Le cadre est grandiose, l’hôtel est devant une paroi rocheuse qui nous laisse totalement rêveurs, mais le standing nous effraie un peu.

- « La note va être salée » me dit Lilian. Je lui réponds.

- « Ouais tu as certainement raison, mais c’est ça ou on fait 40 km de plus… Agathe, tu veux bien aller voir le prix qu’ils annoncent s’il te plait? »

- « Oui, avec plaisir, je vais négocier dur ! »

Elle revient quelques instants plus tard, toute contente. Comme on prend deux chambres elle a négocier un peu et finalement le prix est plus que correct, nous serons dans le budget aujourd’hui. Par contre le repas du soir est à nouveau composé d’un bon riz frit pris dans une petite cantine où nous sommes les seuls en compagnie des dizaines de geckos accrochés dans les abat-jours.

Une autre journée sur la route

13 décembre 2016. Je suis en tête du peloton avec la carriole et les premiers mètres sont aux abords d’un marché bondé, au milieu d’un trafic soutenu, près d’un feu tricolore, sous 36°C et avec une belle côte. Une fois qu’il y a un peu moins de voitures, je lance derrière :

- « Ah et ben la journée elle commence bien… wow ça c’était pas mal comme début de journée ».

- « T’inquiète la route va être moins passante dans quelques kilomètres » me répond Lilian

La route n’a rien de spécial, elle monte régulièrement et redescend un peu de temps en temps. Cependant, malgré ce qu’avait anticipé Lilian ce n’est pas moins passant. De gros camions bien chargés nous doublent les uns après les autres, nous envoyant leur gaz d’échappement dans le nez. Ce ballet de camion semble interminable, mais il prend fin quand nous avons passé la dernière raffinerie d’huile de palme. Au bout de 10km à tracter la carriole dans ce brouhaha je suis exténuée. Je laisse volontiers le pilotage à Lilian. Les 10km suivants sont principalement de la descente et de la bonne descente. Certains pourraient dire que je suis de mauvaise foi, mais non je vous le promets cela s’est passé comme cela pour de vrai.

Quand je reprends la carriole, à peu près 30 minutes plus tard (et bien oui quand ça descend ça va vite) nous approchons une zone de travaux, nous roulons sur une voie et demie au lieu de deux voies et deux bas-côtés généreux. La route est en terre battue, les petits graviers volent au passage des camions, car ils sont de retour parmi nous. J’ai l’impression de revenir 9 mois en arrière quand nous étions au Costa Rica (Le Costa Rica nous ouvre les bras).

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Je reste concentrée sur ce qu’il se passe devant moi, les rainures dans la route, la poussière, les aspirations des camions qui semblent à peine ralentir. Une fois que la route s’élargit un peu nous pourrions croire que nous sommes sortis d’affaire, mais non, un pickup vient de sortir juste devant moi. J’avais un peu anticipé, mais je reste quand même surprise. Une fois le chaos passé la route reprend sa forme habituelle  : belle, bitumée, bas côté rien que pour nous… et là je lance un franc « YEAHA » afin d’externaliser le stress des dernières minutes. Nous ne crions pas assez dans la vie, cela fait tellement de bien, le relâchement est alors total.

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Les journées s’enchainent, mais ne se ressemblent jamais. Nous mangeons du riz frit à midi… et le soir. Non, parfois nous n’avons nulle part où manger le soir alors nous nous préparons des sandwich au thon-mayonnaise… un carburant efficace !

La (presque) der des ders

Nous sommes revenus à l’endroit où nous avions dormi le premier soir avec l’équipe 2. Le personnel de l’hôtel nous reconnait et nous accueille avec une joie non dissimulée. La piscine nous tend les bras et nous nous y rafraichissons le temps de quelques longueurs et jeux. Demain est notre dernière étape, nous refaisons la même route que nous avons faite 3 semaines avant. Le réveil à arrière-goût peu agréable. Nous ne sommes pas pressés de monter sur nos vélos, le petit déjeuner traine un peu et nous décollons à 9h30.

Même si nous avons l’impression de savoir ce qu’il nous attend en termes de difficultés et de terrain la journée nous réserve des surprises. Après trois kilomètres, nous sommes dans une zone de travaux et ne reconnaissons pas l’endroit où nous avions fait une pause la dernière fois. L’abris bus, les arbres, les stands de fruits, les vendeurs de paniers… tous ont disparu pour laisser place à une route plus large, plus neuve, plus passante, plus goudronnée… mon coeur se pince. C’était un endroit convivial où des petites filles étaient venues nous offrir des papayes. J’y avais acheté les meilleurs pomelos que j’ai jamais mangés.

- « Tu as vu, tout a disparu ! Lilian, c’est incroyable. J’ai du mal à y croire »

- « Oui c’est impressionnant en effet. C’est dingue, il ne reste plus rien. En tout cas ils sont efficaces. »

- « La journée ne fait que commencer, que va-t-elle nous réserver? »

Le téléphone de Lilian n’a pas synchronisé tout le parcours.

- «  Charlotte, tu te souviendras de l’endroit où il faut tourner? J’ai plus de carte. »

- «  Oui je pense, sauf s’ils ont tout changé entre-temps. »

À travers les plantations d’hévéas qui se ressemblent il n’y a pas vraiment de quoi se perdre, car il n’y a qu’une seule route sauf à un endroit. Il faut repérer une route de terre et l’emprunter sur quelques kilomètres. À deux nous repérons l’endroit et nous enfonçons parmi les palmiers à huile. Une petite pause photo s’impose pour reproduire le portrait familial fait au Costa Rica en début d’année.

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Deux femmes en scooter s’arrêtent et nous demandent où nous allons. « Surat Thani ! » leur répondons-nous tous en coeur. « Oh… » Et elles se lancent dans les mimes interminables pour nous expliquer quelle route prendre. Nous les remercions de leur gentillesse et essayons de leur faire comprendre que nous savons quelle route prendre. Elles persistent et finissent par nous ouvrir la route pour être certaines que nous ne nous perdions pas. Au bout de 2 kilomètres, je lui dis le mot magique : « GPS ». Ses yeux s’illuminent alors, elle est rassurée et fait demi-tour. Nous sommes très touchés, une fois de plus, par l’aide que l’on nous donne.

Nous arrivons devant le même panneau qu’il y a 3 semaines qui annonce que la route est fermée, nous continuons, car nous savons qu’il y a un petit pont de bois sur lequel les vélos peuvent passer. Oui nous le savons, nous l’avons pris. Deuxième barrière, nous continuons. Des femmes nous crient « NO » de loin, nous leur faisons un signe de la tête et nous continuons. Comme la route est fermée, nous sommes seuls au monde et apprécions. Le pont en construction est devant nous, il y a aussi une pelleteuse et trois hommes autour qui s’affairent à la réparer. Nous descendons de nos vélos et un homme nous dit « No, No, No ». Nous passons notre tête par-dessus le tas de terre qui fait office de dernière barrière. La scène devant nous n’a rien à voir avec ce qui était inscrit dans nos mémoires. La région a subi de très fortes inondations ces derniers jours. L’eau boueuse remplace l’eau claire de nos souvenirs, tout est en mouvement et bouillonne alors que tout était calme… et surtout, le petit pont n’existe plus ! Il y a 2 mètres traverser pour atteindre une première île. De là un tronc a été posé pour enjamber l’autre bras de la rivière.

- «  Je pense qu’on peut passer en portant les vélos, je vais voir quelle est la profondeur. Je reviens »

- «  Non Lilian, il y a trop de courant. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Moi cela ne me plait pas. »

- «  Sinon on va se faire un détour de je ne sais pas combien de kilomètres. Je vais voir je reviens. »

Quelques instants plus tard, il revient trempé.

- «  Bon on laisse tombé, c’est trop profond. Si cela n’avait été que les vélos et des adultes, ça pourrait passer, mais avec la carriole et les filles ça va être trop galère. On va se faire un bon détour… »

- «  J’avoue que je suis rassurée de ne pas passer par la rivière. Je préfère encore faire un détour. »

- «  Ouais et bien la journée va être longue… »

Après 15 kilomètres de détour, nous retrouvons la barrière qui annonce la fermeture de la route dans l’autre sens, la boucle est bouclée. Les deux femmes au scooter voulaient certainement nous mettre en garde du fait que le petit pont n’existait plus. Comme quoi les mimes ont des limites. Cela fait partie de l’aventure, aussi.

Nous mangeons au même endroit, visitons la même grotte… cette journée a quand même un petit goût de déjà vu. Nous nous faisons arrêter par les policiers qui doivent être en manque de voitures. Ils se prennent en photo avec nous, et nous avec eux. Pendant quelques kilomètres Agathe et Denis prennent mon vélo pour sentir ce que cela fait de tracter la carriole, le chargement et les enfants. Moi je me retrouve sur un vélo léger, mais trop petit, on dirait un jouet. ;-)

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Ces derniers kilomètres nous permettent de mesurer le chemin parcouru cette année. Nous roulons côte à côte avec Lilian (il n’y a vraiment pas de voiture). Nous nous félicitions et nous remercions mutuellement d’avoir pris la décision de partir, d’être partis, de s’être écoutés, d’avoir toujours fait de notre mieux et d’avoir profité de ces moments tellement privilégiés vécus ensemble, en famille. C’est un petit moment « bisounours », mais cela fait du bien.

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Arrivés à destination nous avons 62km au compteur, il est 15h45. Nous faisons vite le check-in et laissons les filles avec Agathe et Denis. Nous sommes de retour à l’endroit à côté duquel nous avons acheté le troisième vélo lors de l’arrivée de l’équipe 2. Nous comptons retourner voir le monsieur qui tient son hangar de vélos d’occasion pour lui vendre ceux d’Agathe et Denis. Si il ne les prend pas il faudra (peut-être) que l’on aille tous en vélo jusqu’à Surat Thani. Nous devons être fixés ce soir. Les deux vélos sont bien ficelés dans la carriole. Je prends note que mon chargement est bien plus large que d’ordinaire et nous reprenons l’autoroute vers le sud. Le plafond est bas et la nuit ne va pas tarder à tomber. Je pédale aussi vite que je peux.

Lilian me dit : «  Tu n’es pas obligé d’aller si vite, prend ton temps. »

- «  Je suis stressée par la pluie, la nuit et cela me fait du bien de pousser fort. Plus vite on est débarrassé de ces vélos mieux c’est »

- «  Ok, ça me va ! »

Telles des fusées, 6km plus tard nous arrivons devant le hangar. Le monsieur revient de la supérette avec ses chiens. Il ne parle toujours pas anglais, ne comprend toujours pas ce qu’on lui dit. Nous avions préparé nos mimes. Quand il comprend ses yeux se remplissent de détresse. Il semble outré, vexé… toutes les émotions y passent. Inutile d’insister cela ne donnera rien. Nous repartons dans la poussière des travaux et sous une pluie fine. Tout se mélange pour faire un beau masque de beauté.

Je suis déçue de revenir avec les deux vélos dans le coffre, si on puits dire. Au feu tricolore je m’adresse un jeune homme qui est à l’arrière d’un scooter et je lui dis : «  Do you want a bicycle? ». Il me répond oui de la tête. «  1000 baths » (soit 26€) Il tourne la tête pour ne plus me regarder. Je continue les quelques centaines de mètres qui suivent à crier « Cheap Cheap Bicycle. Good Good Bicycle. » Lilian emboite le pas. Oui des fois il faut de laisser aller un peu plus que d’habitude.

C’est recouvert de boue et trempé que nous rentrons à l’hôtel. Je tente notre dernière chance. Je vais à la réception et dis à l’hôtesse que nous avons deux vélos à vendre. Quand je dis 1000 baths elle me demande de confirmer. Je lui confirme qu’elle a bien entendu. Elle a un grand sourire sur le visage et se met à rire avec sa voisine. Je lui demande où nous pouvons mettre les vélos pour que le personnel puisse les voir. Ma demande est inutile. En quelques instants tout le personnel est devant l’hôtel. Une dame me tend un billet de 1000 baths, elle achète le premier vélo, un vtt « Coyote » qui a fait près de 1000km, sans même l’essayer. Elle est très contente de son affaire. Un de ses collègues l’essaie (sous la pluie donc il ne grince pas) pour elle. Le deuxième est en vente à 3000 baths, il est de meilleure qualité… il n’intéresse pas tout de suite. Nous le garons devant l’hôtel en espérant le vendre d’ici le lendemain matin. En attendant, nous allons acheter de la bière avec notre butin du jour pour fêter cette dernière étape en bonne et due forme.

Le deuxième vélo est vendu dans la soirée à l’oncle de l’hôtesse d’accueil.

Équipe 3 arrivée à destination. Vélos vendus. Missions accomplies !

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Bilan

- 11 Pays
– 6700 km
– 50000m de dénivelé positif
– des centaines d’heures à pédaler
– des dizaines et des dizaines de rencontres
– des rires, des larmes, des peurs, des joies par kilos
– du chaud trop chaud
– du froid trop froid
– de la bienveillance à tous les coins de rues
– …
– et vos encouragements par dizaines de milliers (20000 d’après les statistiques Facebook).

MERCI à vous tous !

 

La suite avec les détails de notre retour en France dans le prochain article.

Je qu’en dit l’équipe 3 : Agathe (soeur de Charlotte)

Je suis allongée dans le train couchette direction Bangkok à essayer de comprendre dans quel sens avance le train et à m’habituer aux vibrations de cette vieille mécanique. Après une nuit non sans à coup, je profite des derniers kilomètres en train pour vous faire part de nos impressions.

Denis et moi sommes partis de France le 4 décembre pour rejoindre Charlotte, Lilian, Liv et Tess à l’autre bout du monde. Sans attente particulière sur le programme, nous partions faire du vélo en famille dans le sud de la Thaïlande. Nous les retrouvons le 5 décembre au soir dans un hôtel à Phuket Town sous une chaleur nocturne humide, mais supportable. Le lendemain, nous sommes un groupe de 9 à vouloir faire quelque chose sur l’île de Phuket, l’équipe 2 ne repartant que 2 jours plus tard. Pour un premier jour en Thaïlande, la plage de Patong nous rappelle ce pour quoi ce pays attire la plupart des touristes : sea, sex and sun… Bref passons.

Le lendemain nous partons faire un peu de plongée avec les poissons à l’île de Phi Phi, voilà qui est déjà plus dépaysant bien que nous sommes encore en plein dans le tourisme de masse. Nous trépignons d’impatience d’enfourcher nos montures qui ont déjà pu faire leurs preuves avec les autres équipes.

Notre première journée de vélo est courte, mais toutes les sensations sont déjà là : la découverte des environs à vitesse raisonnable, la prudence face au trafic, la sécurité toujours assurée par Charlotte et Lilian et l’émotion partagée avec les personnes nous saluant sur notre passage.

En arrivant avec le bateau sur la côte de Krabi nous comprenons que le voyage sera en effet riche en paysages incroyables. Les plages désertes avec cocotiers existent bel et bien et le rythme de voyage du quatuor nous permet d’être immergés dans la culture locale et de prendre notre temps.

Nous avons enchaîné 6 jours de vélo de 17 à 63 km par jour. Nos ‘hôtes’ ont su nous ménager à travers des petites routes locales pas trop encombrées où nous avons pu goûter à peu près tous les goûts de riz frit ‘no meat, no seafood, only egg and vegetable’ lors de nos haltes pour le déjeuner. Charlotte vous fera un plaisir de vous imiter la poule pour faire comprendre qu’on ne voulait pas de sa chaire, mais seulement de son oeuf… Ah les joies de la communication avec les Thaïs.

En cette fin de voyage que nous passons à Bangkok avant de rentrer, nous énumérons les points forts de cette épopée :

  • Pédaler derrière la carriole et se rendre compte que ça ralentit bien. Une belle rangée d’escargots qui encourage le tireur ou la tireuse de ces 100 kg
  • pédaler le long de la jungle et entendre tous les bruits d’animaux et se demander à quoi ça peut ressembler dedans et combien de temps on pourrait y survivre
  • après 4 jours sur les routes (et un peu plus pour les autres), enfin comprendre comment on dit riz frit : kao pat!!!
  • admirer des paysages improbables
  • voir ses nièces grandir et poser des questions sur tout ce qui les entoure et être capable de demander de l’eau en anglais au serveur :)
  • Jouer dans les vagues avec ses nièces, merci les filles
  • de ramasser du plastique sur les plages, encore et toujours ‘du plaaaastiiiique!’
  • Lancer des ‘sawatikaaaa’ (bonjour) à tout va et voir que les Thaïs nous le rendent bien, heureux (ou étonnés) qu’ils sont de voir des blancs à vélo
  • chanter Imagine de John Lennon avec un apprenti chanteur Thaï du vendredi soir
  • se laisser émouvoir par les statues de bouddha plus grandes les unes que les autres
  • tirer la carriole pendant 4 km et être fière de Charlotte et Lilian qui l’ont fait pendant 3350 km chacun (c’est juste super lourd et pas stable! quel travail d’athlète et d’équilibre!)
  • Voir leur fierté et leur fatigue! sur la dernière étape après 6700 km à pédaler cette année

Merci à eux 4 de nous avoir accueillis sous leurs ailes pendant cette quinzaine de jours. Nous avons aimé nous laisser porter par leur organisation et adoré pédaler avec eux en cette fin de grand voyage. Ce sont des moments uniques et inoubliables.

Mention spéciale pour Lilian, notre GPS ambulant qui nous a menés à travers la jungle et les villes sans qu’on ait à se poser de questions. Et à Charlotte pour le choix des hôtels avec des chambres toujours plus grandes.

Kampunka (Merci en Thaïlandais)

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