Dimanche 28 février : c’est mon anniversaire ! Quoi de mieux qu’une belle journée de vélo pour fêter cela? Je suis boostée au réveil par tous les messages que j’ai reçu (merci au décalage horaire qui m’a permis de tout recevoir d’un coup). Je me suis fait le cadeau de laver ma tenue de vélo la veille. Je passe mon tee-shirt sous l’eau pour avoir un peu de fraicheur, ça sens bon la lessive, c’est agréable.
6h3o. Nous démontons la tente, plaçons Tess (qui dort encore) dans la carriole et en route ! Nous n’avons plus de quoi faire le petit déjeuner dans nos sacoches et comptons sur la prochaine ville, Santa Cruz pour faire le plein de calories avant cette journée qui s’annonce être une étape de transit pour rejoindre la côté pacifique sur la péninsule de Nicoya. Nous prévoyons de faire entre 80 et 100km, nous sommes dimanche, le traffic devrait être moins dense qu’en semaine, profitons-en pour avaler des kilomètres.
Nous avons entendu tellement de belles choses sur le Costa Rica qu’il nous tarde d’arriver sur ses plages pour y voir les tortues, les couchers du soleil et les vagues… L’objectif est de nous rendre à Santa Teresa où nous prévoyons de nous reposer une peu. D’après notre carte les routes sont non-pavées. Ce n’est pas une édition récente et celle de Dave est plus optimiste. Nous présentons un certain challenge mais rien d’insurmontable, surtout d’après un ou deux blog cyclotouristes qui traitent du sujet. En tout cas nous sommes décidé à prendre cette route côtière qui nous promet des plages magnifiques. Nous roulerons donc aujourd’hui sur les axes principaux le plus loin possible et quitterons le bitume lorsque l’océan se fera entendre.
Nous attaquons la journée par une montée. Une douce pluie accompagne agréablement les premiers coups de pédale, le ciel nous offre un bel arc en ciel et le vent souffle franchement dans le dos ! Le Costa Rica nous souhaite la bienvenue de la plus belle des façons.
Rapidement, Santa Cruz apparaît au bout du guidon. Les filles ont fini leur nuit dans la carriole et se réveillent avec une brioche moelleuse nappée de crème et un jus d’orange sucrée à souhait. Le vent s’est maintenant bien levé et se met à souffler fort. Nous nous hâtons de finir notre petit déjeuner en s’abritant du mieux possible et nous remettons en selle rapidement.
A l’épreuve du vent
Le vent est bien installé mais ne nous empêche pas d’avancer. Nous sommes sur un plateau roulant et prenons le temps d’apprécier la végétation qui nous entoure. Bien verte à certains endroits et tellement sèche quand l’eau vient à manquer. Sans trop comprendre ce qu’il se passe nous nous retrouvons, Dave et moi (l’arrière du convoi) dans le fossé, balayés par le vent qui nous a percuté de côté. Nous ne nous disons rien et reprenons la route. Quelques instants plus tard, Eole nous renvoi à nouveau dans le bas coté sans que nous le l’ayons vu arriver ! Lilian tient bien la route et file avec la carriole, il semble bien gérer les rafales !
Le vent nous empêche de nous arrêter au vingtième kilomètre comme nous le faisons d’habitude pour changer de pilote. Il semble que le moindre changement de vitesse (et un arrêt encore plus) nous déstabilise complètement. Quand nous trouvons un endroit où changer de conducteur, je prends le relai sur Lilian en tant que pilote. Nous avons une belle descente devant nous puis 30 km de plat pour aller jusqu’à Liberia.
Protégés du vent par les arbres qui nous entourent, la descente se fait à vive allure (30km/h) puis, à la première remontée, nous retombons à 7km/h avec un vent de face. J’entends Dave à l’arrière qui me lance « What is going on? you did so well… » (« Que se passe t-il? Tu allais si vite… »). Notre vitesse ne fait que diminuer pour quasiment nous retrouver à l’arrêt. Le vent est fort, très fort. C’est précisément à ce moment là que l’état de la route se dégrade : elle couverte de graviers et de trous de toutes tailles.
Nous sommes cernés par des champs de terre desséchées et le vent arrive sur notre côté gauche. Une rafale nous souffle tous les trois dans le fossé. Après nous être assuré que personne n’est blessé, nous dépensons une énergie folle à nous remettre sur la route. Heureusement que nous sommes dimanche, il y a peu de traffic.
Encore une rafale, à nouveau dans le fossé. Nous nous regardons et éclatons de rire : c’est nerveux. Nous apercevons un virage à droite à quelques centaines de mètres, superbe, nous aurons le vent dans le dos ! Nous sommes sur du plat mais ayant d’avantage la finesse du fer a repasser que celle de la goute d’eau, nous mettons autant d’énergie que sur une côte à 20% et nous tenons péniblement une vitesse de 5km/h. Contre tout attente et malgré l’infléchissement de notre cap l’ouest, le vent arrive toujours du côté gauche !!!
Nous nous penchons sur le vent pour contre carrer sa férocité. A l’approche d’une zone de travaux, le bitume disparait et laisse place à la terre battue. Dave est passé devant et soudain, son vélo se retrouve à la perpendiculaire de la route. Il se dirige tout droit vers un talus qui lui permet de s’arrêter. Debout sur son vélo, il en reprend le contrôle et traverse aussitôt la route pour se réfugier sur l’autre voie dont le traffic a été interrompu le temps de travaux. Nous anticipons le passage où Dave a été surpris par la rafale et descendons de nos vélos pour les maintenir droit le temps que la rafale la plus violente passe. Des camions arrivent en arrière. Nous nous mettons dans le fossé pour leur laisser la place de passer. Nous poussons les vélos afin d’éviter une chute en présence du traffic si près de nous. Lentement, nous rejoignons Dave sur la voie fermée à la circulation et remontons sur nos montures.
Nous sommes épuisés par les efforts à déployer pour avancer et tenter de ne pas tomber. Des nuages de poussière traversent la route à toute vitesse. Ils arrivent par rafales. Au loin, Dave se dirige droit dedans, son vélo est penché sur la gauche pour éviter de tomber. Il nous faut trouver la bonne vitesse pour traverser ces nuages de terre battue balayée. Il s’agit de ne pas aller trop lentement pour ne pas se faire pousser sur le côté mais pas trop vite car si le vent tourne nous risquerons aussi de perdre le contrôle. L’équilibre est assez subtile à trouver et il demande de s’adapter à chaque seconde. Impossible de s’arrêter prendre la moindre photo, a peine la top-case ouverte, tout s’envolerait !
Légèrement protégés par les bosquets sur le bord de la route, nous voyons la zone de danger s’approcher. Nous parvenons à trouver le bon degré d’inclinaison sur la gauche pour compenser la poussé de ce fichu vent. Dave a totalement disparu dans la poussière. Vlan… nous sommes à nouveau dans le fossé. La terre battue vole autour de nous et nous frappe avec une violence inouïe. Les filles crient dans la carriole, la poussière passe par la moustiquaire et leur pique le visage. Je ne peux rien faire qu’autre que de m’accrocher à mon guidon et retenir mon vélo pour l’empêcher de tomber, je n’aurai pas la force de le relever dans de telles conditions. Je me mets à hurler de douleur, le sable nous fouette la peau y compris au travers de nos vêtements. Les rafales de vent sont d’une puissance à peine croyable. La circulation est bloquée et il n’y a personne sur la route, nous nous extirpons du fossé pour rejoindre la route et remontons sur nos vélos. Dave apparaît brièvement entre 2 nuages de poussière. Il nous attend au pied d’un arbre, au beau milieu d’un chaos de terre soufflée. Nous arrivons à sa hauteur et il se place en fin de cortège.
Je vois dans mon retroviseur une vague de voitures et camions qui arrivent dans notre direction. La route n’est pas large et je ne suis pas assez stable pour les laisser nous doubler sereinement. Nous nous jetons dans le fossé pour les laisser passer afin de continuer plus calmement notre lutte contre le vent. Une bataille à la fois. Cela fait 10km que nous avançons difficilement. Nous faisons une pause dès que nous sommes à l’abris pour reprendre nos esprits.
Le vent est bien moins présent sur les 20 km qu’il nous reste à parcourir jusqu’à Liberia. Il est midi lorsque nous arrivons en ville, nous avalons un Casado (salade de tomate et oignons, haricots rouges, riz et son accompagnement de viande) après une toilette express du visage
Après la tempête
Pas de temps à perdre. Lilian prend le relai en tête du peloton. Le vent est favorable cette fois-ci, nous l’avons dans le dos, (ENFIN !) et nous engageons sur un long faux plat descendant. Pendant 20km, nous roulons à 30km/h. Tous les indicateurs repassent au vert.
Nous avons comme objectif d’arriver à Filadelfia pour y passer la nuit. Une pause pour manger un bout de pastèque au bord de la route et nous apprenons que nous avons 3 options pour dormir sur les dix prochains kilomètres. Le luxe ! Il commence à se faire tard, il est 17h passées lorsque nous arrivons aux premières Cabinas (chambres d’hôte). Il va faire nuit, c’est ici que nous nous arrêterons. Pour limiter les dépenses nous partageons la grande chambre familiale de 5 places avec Dave.
Lilian profite des derniers rayons du soleil pour aller chercher de quoi faire un repas festif pour mettre du relief dans cette journée d’anniversaire. Au menu : bière fraiche (obligatoire), burritos végétariens, guacamole maison, ananas fraichement coupé et Snickers.
A nous le Pacifique !
Après une nuit climatisée des plus reposante, c’est reparti pour atteindre la côte ! Alors que nous sommes en train de remettre toutes nos sacoches sur nos vélos, le fils de la propriétaire de l’établissement vient nous rendre visite. Il tient absolument à nous faire goûter la mangue du jardin.
Ce n’est pas la saison et il nous précise bien qu’elles ne sont pas très bonnes comme cela mais il tient à nous faire essayer. Afin de rendre consommables des fruits qui ne sont pas encore arrivés à maturité, il les couvre de sel et de citron pour enlever l’amertume. Nous sommes polis et mangeons (presque) toute la mangue salée, au risque de manquer d’eau toute la journée !
Lors de notre tournée du jardin, Nnous avons le plaisir d’apprendre comment poussent les cajoux. Les noix que nous connaissons sont en fait les graines qui se trouve à l’intérieur de la partie inférieure du fruits ci-dessous. Cette coque est cuite dans des cendres pendant plusieurs heures avant d’être ouverte pour y récolter la noix de cajou. Le processus expliqué ainsi nous permet de mieux apprécier ces noix. Le fruit oranger est de plus très bon et laisse en bouche un arrière goût de cajou.
La séance de découverte terminée, nous reprenons la route après une pause à la station essence pour faire le plein du réchaud. A défaut de trouver de l’essence blanche nous utilisons du super. Cela fonctionne très bien mais sent un peu à l’allumage.
Il fait déjà très chaud à 8h30. Le soleil cogne et nos tee-shirts sont très rapidement secs avant d’être à nouveau trempés de sueur. Nos bandeaux n’absorbent pas toute la transpiration et nos yeux piquent. Nous avons une journée de près de 60 km devant nous dont 20 sont annoncés sur une route secondaire, donc sans goudron à priori.
Dave ayant préparé des burritos pour le pique-nique avec les restes de la veille, nous reprenons un peu de carburant avant de reprendre la direction de la côte sous une chaleur écrasante. La piste finie par arriver. Nous nous étions préparés. C’est relativement plat mais le peloton s’étend. Je suis bien en arrière de Dave et Lilian. Il y a peu de voitures qui passent et nous faisons attention à ne pas heurter trop de cailloux sur nos roues un peu trop fines pour ce terrain.
Nous passons devant le supermarché du bourg presque sans même nous en rendre compte et commençons à descendre vers la plage. A droite est indiqué le camping que nous visons mais il est assez tôt dans l’après-midi et nous avons trop chaud, nous rêvons d’un bain dans l’océan… nous continuons à descendre… je rattrape Dave qui me dit avec un grand sourire : « Nous venons d’être invités à dormir chez une dame qui est dans la voiture bleue devant« . Je ne comprends pas sur le coup. Je me surprends à me dire : « Mais non on va pas déranger tout de même, c’est gentil mais on va aller au camping« . Puis je me dis que c’est une attention adorable. Je me dis qu’à la place de cette dame j’aurai certainement fait la même chose, et puis de toutes manières je suis à l’arrière du peloton et je suis le flot.
C’est une américaine, elle se prénomme Nanci. Elle s’est arrêté un peu plus loin pour nous expliquer comment se rendre chez elle. Ce n’était donc pas une blague. Plus que 3 km. La plage que nous apercevons est magnifique, nous n’en revenons pas. Là aussi ce n’était pas une blague, c’est vraiment beau ici !!!
Nous arrivons chez Nanci et Marc, elle nous attend à l’ombre du porche de leur maison face à l’océan. Nous nous précipitons à l’abris du soleil pour réaliser que nous ne sommes pas dans un rêve. Dave qui est volontaire pour camper préfère malgré tout l’option chambre avec lit. Et bien il y a une chambre d’amis et nous pourrons monter notre tente sous le porche qui est aussi grand qu’une salle de danse.
Nanci sort un bateau gonflable et le rempli d’eau. Les filles s’y précipite et nous ne pouvons nous empêcher de rire en voyant la couleur de l’eau tourner au marron ! Liv et Tess se sentent tout de suite à l’aise.
Le rêve continue… Nanci nous ouvre le garage pour que nous y déposions nos sacoches. Sur le mur, pas moins de 10 planches de surf et des body board attendent d’aller se frotter aux vagues !
Nous attendons que le soleil soit un peu moins chaud en bavardant avec nos hôtes et quand il commence à tomber nous sautons tous à l’eau équipés du bateau gonflable, surf et bodyboard. Les vagues sont parfaites et nous nous amusons comme des enfants.
Puis nous sommes invités à prendre une bière fraiche sur la terrasse qui donne sur la plage pour le coucher du soleil. Nous finissons toujours une journée de vélo avec une bière. Dave me dit : « Charlotte, peux tu me pincer j’ai l’impression de rêver…«
Dave est avec nous depuis presque une semaine. Malgré la barrière de la langue les filles commencent à se faire à lui. Il adore les enfants et il est embêté de ne pas réussir à partager plus avec Liv et Tess. Ce soir Dave propose une séance de Yoga aux filles. Elles sont très concentrées et ils passent tous les trois un bon moment. Quel plaisir de les voir échanger ainsi.
Le lendemain, le réveil est doux et nous sortons de notre rêve, il faut repartir, remettre tout sur les vélos et allez chercher une autre plage aussi magique. Qu’est-ce que c’était bien !
L’accueil que nous avons pu avoir ce soir là nous a beaucoup touché : atterrissage inattendu chez des hôtes d’une grande générosité dans un cadre magique. Nanci et Marc vos paroles pleines de bienveillance trottent encore dans nos têtes.
Belle rencontre et belle récompense après tous ces efforts. Merci Nanci et Marc, Merci Costa Rica !
Bonjour Liv,
J’aime beaucoup le coucher de soleil à Playa Jonquilla.
Tu as du bien t’amuser avec le bateau gonflable !
Hier on était tous déguisés pour le carnaval de l’école du Roi René.
Aujourd’hui on est allé à la calanque de Morgiou et je suis tombé dans l’eau qui était pas très chaude
Bisous et bon voyage Liv !
Et moi qui chercher désespérément une pompe à essence…
Quelle leçon de vie !
Tellement fière de vous !!!
Gros bisous
Vous ne lâchez rien !!!!
Un peu de douceur et de détente ? vous le méritez bien !
Bisou de printemps !
Quel beau récit! !!!
Merci de me faire rêver encore et encore!!!
Wouaaaaaaaah ! Quelle épopée, merci à Dave, Nancy et Marc d’avoir partagé ces moments très forts et exceptionnels….. Avec vous
Bonjour Lilian
Contente de voir que globalement tout va bien pour vous quatre. Quand même: vos épisodes de vent sur la route et…dans le fossé font un peu peur! On croise bien fort les doigts pour vous pour vivre à 100% cette belle aventure latina.
Ici à Aix nous traversons un hiver très doux sans pratiquement de gel. La neige n’est tombée qu’en fin de saison sur les Alpes. Je pars quelques jours glisser et crapahuter sur les pentes autour de Genève avant que tout ne fondé.
En vous souhaitant plein de belles choses au Costa Rica.
Bien amicalement
Sylvaine