2 mars 2016 – Nous repartons de Playa Coco bien conscients que la journée ne s’annonce pas évidente. Nous sommes tombés de haut la veille en parcourant que 12km des 35km programmés après nous être habitués à des journée de 100km les derniers jours. La fatigue, la chaleur, l’état des routes et notre chargement n’ont pas fait le bon ménage.

Mais comment va se passer la journée ? C’est très perplexe que nous nous poussons nos vélos hors de la magnifique plage où nous avons passé la nuit, pour retrouver la route quittée la veille.

De retour sur la piste

Il est 7h, les vagues sont belles au lever du soleil et les surfeurs sont déjà au rendez-vous. Un couple de québécois est admiratif de notre périple. Ils ont eux même deux enfants qu’ils ont laissé aux grands parents le temps d’une semaine de surf. Cela nous laisse rêveurs quelques secondes… mais ils regrettent finalement de ne pas les avoir avec eux. Nous comprenons car même si nous rêvons d’un peu de répit dans notre rôle de parents nous sommes tellement contents de partager ces moments tous ensemble.

Nous voila de retour sur la route. Avec un rythme de 10km par jour nous ne sommes pas rendus à Santa Teresa (ville au sud de la péninsule que nous vison) ! Nous craignons également la réaction de nos vélos sur ce terrain hostile pour eux. Quelqu’un nous a dit qu’au point suivant noté sur notre carte nous pourrons trouver un bateau pour nous descendre au sud de l’ile, cette option est tentante !

Je prends mon plus bel espagnol et accoste une dame près du supermarché local. Elle me confirme qu’à 8 km nous pourrons trouver un bateau. C’est remontés comme des piles que nous nous lançons sur la route, pour parcourir les quelques kilomètres qui nous séparent de l’embarquement du bateau

A nouveau nous poussons les vélos en haut des monticules de terre qui se dressent devant nous puis nous nous accrochons à nos guidons en serrant habillement les freins pour descendre de l’autre côté sans perdre le contrôle de notre embarcation. Nous arrivons à l’entrée du bourg suivant et demandons au premier commerce s’il y a des bateaux dans le coin. On nous regarde avec des gros yeux qui semblent dire « Mais d’où tenez vous ça ? » Bon et bien nous sommes bien contents de ne pas être descendus jusqu’à la plage pour nous rendre compte qu’il n’y a pas de sortie par voie maritime ce jour là. Nous sommes toujours très méfiants quand une descente se présente à nous

Nous sommes déçus mais n’avons pas vraiment le temps d’y penser car au café d’en face nous apercevons deux cyclotouristes. Ce sont des anglais qui viennent du sud de la péninsule. Ils galèrent depuis des jours et des jours et se demandent comment nous faisons avec la carriole… et bien justement on galère aussi… Ils nous annoncent que les routes sont de plus en plus raides sur les 100 prochains kilomètres. Nous avalons un café à 2$ et les filles déjeunent avec une quesadilla à 8$ et nous repartons.

Ils avaient raison. Lilian tire la carriole. Dave est en tête. Je pause mon vélo en bas des côtes et pousse la carriole avec Lilian jusqu’à mi-hauteur. Alors que je descends récupérer mon vélo, Dave a rejoint Lilian pour pousser la carriole. Nous avons le bon rythme et une belle organisation d’équipe. Nous ne disons rien, nous encaissons les difficultés mais nous nous demandons quand même comment nous allons nous sortir de là. 100km à ce rythme c’est vraiment compliqué.

Les voitures qui nous doublent nous déposent la même couche de poussière que la veille. Elle colle sur notre crème solaire à peine étalée pour restée efficace. Les gouttes d’eau coulent le long de notre nez, nous ne savons plus comment nous essuyer. Au fond de nous, à chaque fois que la route redescend nous espérons qu’elle traverse une rivière dans laquelle il faut marcher pour s’y jeter. Mais non, les rivières sont à sec ou certainement peuplées de crocodile. La baignade attendra.

Et puis nous voici devant le mur de la journée. La côte doit faire 70m de dénivelé sur 300m (approximativement). Dave est à peine en bas qu’il descend de son vélo pour pousser, ce n’est pas bon signe. Lilian s’élance doucement (inutile de s’épuiser) pour s’arrêter face à l’inertie de son chargement. Cette fois ci nous faisons descendre les filles. Elles peinent à avancer tellement les cailloux sont instables. Lilian pousse son vélo, je coach les filles pour qu’elles avancent. Je fini par laisser mon vélo sur le côté pour aider Lilian avec les filles qui s’accrochent à moi. Nous patinons, nous suons comme jamais, nous avançons doucement. Les voitures nous dépassent, moteur hurlant en première, et nous envoient de nouveaux nuages de poussière. Nous pestons ! Pourquoi ne sommes nous pas véhiculés nous aussi, non mais quelle idée le vélo franchement… Mon vélo est maintenant assez loin. Je laisse Lilian sur place, Dave est déjà en train de descendre. Sur la descente je croise un 4×4 avec deux surfeuses qui me font des sourires. Merci les filles mais je n’ai pas trop le coeur à cela en ce moment. J’arrive à mon vélo et en faisant demi tour je vois que le 4×4 est au niveau de Lilian et des filles. Liv et Tess montent à bord. Elles ont proposé de monter les filles en haut de la côte. Il fait au moins 35°C et elles piétinent. Réflexe de maman, je retiens la plaque d’immatriculation du 4×4 (854765). Je redouble d’énergie pour arriver le plus vite possible en haut. Je double Lilian qui me lance : « Laisse tomber la carriole, Dave arrive. Va récupérer les filles » Quand je finis par apercevoir le 4×4 une superbe surfeuse, toute fraiche qui sent bon le parfum sort du véhicule et cours m’aider. On aurait pu croire à Pamela Anderson dans Alerte à Malibu. Tout d’un coup mon vélo est tout léger. Elle me félicite car les filles sont adorables. Elle me donne des gâteaux pour elles. La conductrice est une locale, elle me donne son numéro de téléphone au cas ou ayons besoin de quoi que ce soit dans les jours à venir. Elles nous annoncent que nous n’aurons plus de montée pour la journée (l’information s’avère être vraie – pas toujours évident de la part de conducteurs).

Lilian et Dave arrivent à bout de souffle eux aussi. « What was THAT ?! » nous redescendons une côte quasiment aussi raide toujours en jouant habillement avec nos freins. Juste avant que la route ne s’aplanisse, Lilian tombe de son vélo, résultat d’un mauvais coup de frein à vitesse réduite sur une partie déversante de la piste. Nous effectuons le changement de chauffeur dès que nous trouvons une tâche d’ombre et buvons chacun un litre d’eau. Nous passons près d’une plage magnifique qui, parait-il, est un refuge de tortues.

Playa Guyones

Nous avons repéré un hôtel près de Guyones où les campeurs semblent les bienvenus.

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La route est maintenant partiellement goudronnée. Partiellement car, sil il y a du bitume, il y a aussi et surtout des trous. A certains endroits le côté droit de la chaussée est transformé en chenal. Nous devons donc rouler au milieu de la route et nous faisons dépasser par la droite. Dernière surprise, une côte à 20% que je tiens jusqu’au bout comme pour nous prouver que sur le bitume nous pouvons monter presque n’importe quoi. A vrai dire je sens que je n’ai pas vraiment le choix car il y a pas mal de circulation et pousser sans bas côté serait encore pire. Je suis fière de moi en haut et Lilian me lance : « Je pense que tu en a impressionné plus d’un là ! » Et bien mine de rien, cela fait du bien !

L’hôtel trouvé, celui-ci n’accepte en fait que les camping-cars. Il faut trouver autre chose. Nous repartons à la recherche d’une solution pour la nuit. Pendant que Lilian négocie une chambre pour 5 nous attendons dehors avec Dave. Un groupe de gringos passent près de nous et l’un d’eux lance un « Ne restons pas trop près de ceux là » en nous pointant du doigt. Nous n’en revenons pas. Certes nous ne sommes pas tirés à quatre épingles, mais nous restons présentables nous semble t-il. Je sens que la moutarde monte au nez de Dave. Il est tout rouge mais bien trop poli pour répondre.

Tous les autres hôtels sont pleins et nous ne sommes pas en mesure de faire un kilomètre de plus. Nous prenons la suite familiale que nous partageons avec Dave. L’endroit est agréable, les filles plongent tout de suite dans la piscine. Nous nous passons sous la douche et prenons un temps de réflexion. Dave est inquiet de continuer sur de telles routes, les vélos sont soumis à des chocs pour lesquels ils ne sont pas prévus … un peu comme nous en somme ! Nous pensons reprendre la route le lendemain pour aller jusqu’à Samara où nous pensons qu’il est possible d’attraper un bateau pour le sud de la péninsule. Rapidement nous apprenons qu’il n’y aura pas de bateau à Samara mais qu’il est possible de prendre un bus de tourisme pour aller à Santa Teresa : 70 $ par personne et les enfants payent le même prix. Wow !

Pendant que je surveille les filles qui sautent dans la piscine aussi chaude qu’une tisane, Lilian part faire des courses. Il rentre juste avant le coucher du soleil. Les filles se régalent, nous décidons que tant pis, nous ne verrons pas la plage aujourd’hui.

Continuer sur cette route est difficile à envisager, nous avons touché les limites de notre embarcation : sable, pierres, chaleur et côtes à près de 20% cela n’est pas possible. Même si le prix nous parait totalement dément il va falloir opter pour la navette. Nous essayons de négocier les places des filles mais en vainc. En fait l’option shuttle de tourisme n’est pas envisageable car il y a un changement à Nicoya et avec tout notre matériel ce n’est pas facilement jouable. La réceptionniste de l’accueil a anticipé le problème et nous propose un mini bus 16 places rien que pour nous 5 à 270$ et il nous prend à 11h au lieu de 7h. Cool ! Nous aurons le temps de voir la plage !

Nous prenons le temps de nous cuisiner des galettes végétales au quinoa pour célébrer la fin de la piste qui a eu raison de nous. Nous avons besoin de nous reposer et prévoyons de le faire à Santa Teresa en y restant une petite semaine. Nous profiterons alors pleinement de la plage, chose que nous n’avons pas vraiment pu faire ces derniers jours.

Le lendemain, après un passage rapide à la plage, notre taxi nous attend. Remplir le véhicule relève d’une partie de tetris géant mais vélos, sacoches et carriole finissent par trouver leur place. En route pour Santa Teresa. Tout le trajet (ou presque) est fait en première. La poussière passe à travers les joints de la porte.  On monte, on descend, on remonte, on redescend on passe une rivière et on remonte… pendant 100km.

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Le van s’arrête au milieu de nul part et le chauffeur demander la route à un local. Ah… nous sommes perdus. Intéressant. Le fait que le chauffeur prenne autant de photos des plages au fur et à mesure de notre progression aurait pû être un indice qu’il empruntait la route pour la première fois… Nous devons faire demi-tour sur 3 ou 5 km. Pas de problème, tant que nous n’avons pas à pédaler. A vrai dire, il suit les panneaux, il n’a ni de carte ni ne GPS. Cela fait un moment que l’on ne croit plus les panneaux nous ! D’ailleurs il ma manqué de tourner à l’endroit où le panneau d’indication est remplacé par une direction notée à la va vite sur un tronc d’arbre…

Nous arrivons à Cobano la ville à laquelle toutes les routes s’arrêtent sur notre carte. A notre surprise il y a un peu de bitume pour rejoindre Santa Teresa mais pas plus ! Plus nous avançons et plus la route descend avec une pente qui ne plait pas aux cyclistes que nous sommes. Je n’y prête cependant pas trop attention car dans ma tête nous partons de Santa Teresa en bateau, les pub pour Taxi Boat sont partout ! Lilian est cependant moins crédule sur ce coup là  « Il n’y a qu’une seule route et nous ne pourrons jamais la remonter en vélo ».

Repartir, au plus vite !

Nous nous faisons déposer devant l’hôtel où mon frère nous avait offert deux nuits pour Noël. Nous y avons fait envoyé deux colis que nous espérons récupérer. Il s’agit de mon matelas de remplacement que Thermarest a envoyé suite au défaut que présente le mien et une roue de rechange pour la carriole que Thule nous fait parvenir en cas de casse suite au problème rencontré il y a quelques semaines. Mélanie est au courant de notre arrivée mais n’a pas de place pour nous héberger, elle n’a pas de nouvelle de nos colis non plus… mince… Nous trouvons une chambre que nous partageons avec Dave et partont à la recherche des taxi boat. C’est la douche froide : il n’y a pas de bateau qui parte de Santa Teresa, il faut aller en bus jusqu’à Montezuma pour prendre la navette maritime et sortir de la péninsule. Il existe bien un bus mais on nous prévient qu’il ne nous prendra pas car nous avons trop de matériel. La seule solution pour sortir d’ici est à nouveau de prendre un taxi privé.

Nous sommes à bout. Les yoyos émotionnels que nous avons vécus depuis nos premiers coups de pédale au Costa Rica et les dépassements physiques dont nous avons fait preuve nous ont achevé. Nous avons besoin de nous reposer pour reprendre nos esprits. Dave, coach de lutte pendant de longues années, a partagé avec nous les différentes prises de décisions sur les précédents jours, mais là il prend les rennes. « Nous sommes dans une mauvaise passe, nous avons accumulé beaucoup de choses ces derniers jours, il faut que nous mettions tout cela derrière nous et la meilleure façon de le faire est de nous remettre sur selle. Il faut sortir de cette péninsule et reprendre la route. Nous en avons tous besoin. » Sur ces bonnes paroles Dave est allé chercher une alternative au taxi pour rejoindre un embarcadère du ferry. Il fait le tour de plusieurs surf shops et un lui propose de tous nous emmener pour 80$. RDV demain à 10h et il nous emmènera à Paqueras. Tant pis pour les colis, nous sommes jeudi, la probabilité de les recevoir demain est faible et nous n’attendrons pas ici jusqu’à lundi… pas question de trainer plus longtemps ici, nous devons partir avec Dave.

Nous partons nous coucher dans un état mitigé, nous sommes déçus, fatigués et à la fois soulagés d’avancer.

Le lendemain un mini van (et non un mini bus) arrive. Nous sommes passé un niveau expert du remplissage de véhicule. Il faut tout faire rentrer… nous avons du mal à le croire mais nous y arrivons.

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Le gars du surf shop se lance dans une tirade sans fin pour nous expliquer qu’en tant que « meilleur ami » il tient à nous aider à tout prix et nous annonce en douce que le tarif passe maintenant à 140$ parce que ce qu’il fait est exceptionnel… Oui enfin nous sommes dans un taxi avec un compteur c’est pas comme si la mission était si exceptionnelle que ça non plus ! Il nous accompagne jusqu’au distributeur de billets et nous dit que nous pourrons mettre la clim plus tard. Il empoche son argent, donne une partie au chauffeur et disparait. La clim ? elle ne fonctionne pas. Nous sommes donc fenêtres grandes ouvertes à travers les nuages de poussière. Nous toussons et tentons de nous couvrir la bouche. Une fois arrivés nous remontons nos vélos. Un homme arrive à notre hauteur et demande à nous photographier. Je suis sur les nerfs, et ici tout à un prix. Je lui annonce « 15$ ! ». Le gars reste perplexe mais prend ses photos sans trop prêter attention à ma phrase. De toutes manières, je ne suis qu’une femme et dans ce pays elles n’ont pas vraiment la parole. Dave est mort de rire et moi aussi !

Les filles ont adopté Dave, ils partent ensemble vers l’embarcadère. Il souhaite leur offrir un coup à boire. Cela nous donne quelques minutes pour échanger sur tout ce que nous avons vécu. Nous avons hâte de mettre tout cela dernière nous et de reprendre la route comme l’a si bien dit Dave, néanmoins il faut que nous nous remettions d’aplomb, une pause est nécessaire dans les prochains jours.

Nous embarquons sur le ferry pour rejoindre Puntorenas…

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A Santa Teresa, à l’hôtel, nos voisins sont des américains en quête d’un terrain à acheter pour y construire une maison, un hôtel, un ranch… je ne sais pas. En vous voyant préparer nos vélos, la dame vient me voir pour me témoigner son admiration. Je ne suis pas en mesure de recevoir ses paroles. Je la remercie gentillement et lui dit que nous ne sommes pas très en forme. Je lis sa désolation sur son visage et la rassure en lui disant que cela va aller mieux. Quelques minutes plus tard, son fils (d’une trentaine d’année) vient donner un pierre en guise de porte bonheur aux filles pour la suite du voyage. Cet échange et ce geste me touchent beaucoup. Cele me rappelle les paroles de Nanci quelques jours en arrière : « Tout arrive pour une raison, restez attentif aux opportunités qui se présentent à vous. »

Je suis certaine que cet épisode sur la péninsule nous a apporté bien plus de bien que de mal, il faut juste un peu de temps pour le réaliser.

9 commentaires

  • Vous faites des jaloux : le bruit court en France que du côté du Ribas, on envie votre remplissage de voiture !!!
    bises grosses comme çà !

  • Vous avez de sacrées ressources pour surmonter ces épreuves.
    Prenez le temps de souffler un peu pour monter les pentes à venir et tenir bon.
    Balaises vous êtes.

  • Ouch, en effet, c’était pas de la demi-piste ! Et entre la poussière et la chaleur, bonjour l’enfer, vous avez bien d’écourter votre supplice.

    On croise les doigts pour vous pour que les prochaines pistes soient un peu moins pentues, un peu moins fréquentées par des voitures, et avec un climat plus clément :)

  • En même temps, si c’était si facile, tout le monde le ferait et ce ne serait pas aussi gratifiant! Courage!! Je pense fort a vous en ces moments difficiles! Ce que vous faites est épatant!

  • Encore et toujours un récit captivant, je vous imagine très bien en pleine interrogation avec toujours cet esprit positif qui prend le dessus, vous nous faites vibrer ! Je dis chapeau bas les amis vous êtes au top ;)
    Continuez a nous faire rêver à travers cette très belle aventure humaine
    Jérôme Cécile Antoine

  • Beaucoup de réflexions pertinentes de votre part dans ce récit, cette expérience douloureuse physiquement et psychologiquement vous font « grandir » encore plus !!!
    Une maman très fière !

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