Mercredi 17 Février, 1h du matin, Antigua. Je réveille Charlotte pour finir de préparer nos affaires. A 2h30 la navette arrive. C’est un mini-van de 12 places avec la traditionnelle galerie sur le toit. Comme d’habitude, les yeux du chauffeur s’écarquillent lorsqu’il voit nos bagages. Nous commençons à être habitués à cette réaction mais ne manquons pas de nous inquiéter un peu lorsqu’il prend son téléphone pour appeler son patron. Finalement après quelques minutes de discussion nous montons toutes nos affaires sur le toit. Je grimpe l’échelle pour lui prêter main forte  et m’assurer que le matériel est bien traité. Il ne s’agit pas juste de « vélos » ou de « carriole » : ces équipements sont nos possessions les plus chères pour cette année !

Antigua – Léon en accéléré

Nous sortons les filles du lit et embarquons avec un couple dans le van. Surpris qu’il y ait encore des places libres nous n’osons pas prendre plus que les 3 places qui nous sont allouées.

Nous passons rapidement la première frontière qui nous fait passer au El Salvador (et ils tiennent au « El »). En quittant le Guatemala de nuit et endormis nous gardons en tête les belles images d’Antigua et du Lac Atitlan. A nouveau, nous avons un pincement au coeur de quitter le pays en bus plutôt qu’à vélo, avec cette impression de tricher.

Lorsque le soleil se lève nous longeons la côte vallonée d’El Salvador d’où on peut voir de belles vagues se former. Nous ferons une pause vers 9h pour embarquer 5 nouveaux passagers, un deuxième chauffeur, et surtout de nouveaux bagages ! Aux 5 énormes sacs s’ajoutent 3 planches de surf. Exercice périlleux d’arriver à tout attacher convenablement sur le toit. Je convaincs le nouveau chauffeur de me laisser faire quelques mouflages pour consolider l’ensemble : nous perdrons peut être le toit mais pas les bagages !

La route semble bonne et de surcroit, elle est belle. A 13h environ nous passons la frontière du Honduras et traversons le pays par sa plus petite largeur en moins de 2h sur des routes défoncées. Déjà au El Salvador nous avions été surpris par la sécheresse du pays. Après avoir longtemps roulé au Guatemala au milieu d’une explosion de vert sans cesse renouvelée, nous sommes maintenant dans un paysage où tout semble avoir séché au soleil. Seul les volcans viennent casser cette monotonie dorée.

En traversant ces deux pays nous nous faisons la remarque qu’ils ne sont pas plus ou moins « sûr » que le Guatemala voisin. Le bus nous permet donc uniquement de gagner un peu de temps, car nous avons à coeur d’aller pédaler en Patagonie avant de rentrer.

Nous arriverons finalement à Leon au Nicaragua à 17h15 soit après 15h de bus. Liv et Tess nous ont encore surpris par leur incroyable capacité à rester calmes dans de telles conditions. Nous leur avons autorisé à la 13ieme heure de voyage à regarder un dessin animé pour « bonne conduite ».

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Sur place les hôtels sont bien pleins. Nous en trouverons finalement (à l’approche de la tombée de la nuit) un non loin du centre ou nous pourrons prendre un jour de repos après ce voyage accéléré.

Il fait très chaud et très sec, nous errons dans la ville pour notre rituel « nouveau pays » : se ravitailler, retirer de la monnaie locale, faire un petit tour de la place principale et manger. Nos « visites » de ville se cantonnent généralement à ça.

Première étape surf  

Après une journée d’arrêt à Leon nous remettons enfin sur nos vélos pour une petite étape qui nous conduit en fin de matinée à Las Penitas, un groupuscule d’hôtels bordant le Pacifique où nous prenons nos quartiers à « l’Oasis », dans un bungalow sur la plage face aux vagues de l’océan. Nous avons bénéficié de conditions idéales pour ces 22 premiers kilomètres : vent dans le dos, faux plat descendant quasi constant et une vitesse moyenne de 30km/h ! Le Nicaragua nous ouvre grand ses bras !

Les filles se régalent pendant deux jours à jouer avec le sable noir et à sauter dans les vagues. Je profite de petites conditions de surf pour attraper quelques vagues dans une eau qui paraît presque fraiche comparée au thermomètre extérieur qui doit frôler les 40°. Nous jouissons également de deux couchers de soleil digne d’une carte postal.

En route !

Compte tenu de la fournaise ambiante, nous nous décidons à rouler très tôt de le matin. Nous quittons l’Oasis le 21 février à 6h30 pour bénéficier du peu de fraicheur que la météo a à offrir. A 6h il faisait déjà 25°. Nous mouillons tous nos habits et bandeaux afin d’emporter un peu de fraicheur avec nous. Nous habillons les filles encore endormies et les installons dans leur carriole pour qu’elles y finissent leur nuit.

Malgré l’heure très matinale il y a déjà pas mal de personnes dans les rues, certains attendent le bus, d’autre ramassent les canettes ou bouteilles de plastiques qui ont été jetées aux bords de la route.

Les 22 premiers kilomètres, bien qu’en faux plat montant, se font à très bonne allure et nous emmagasinons les images de prairies brulées seulement habitées par quelques arbres à toute petite feuilles et dont les branches sont chargées de fruit semblable à des pamplemousses vert à peau lisse.

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Paysages secs qui font penser à l’afrique

Sur cette première étape nous croisons plus d’animaux sur la route que de véhicules motorisés. Les chevaux qui tirent les charrettes chargées de bois ou de personnes sont monnaie courante. Nous avons le plaisir de voir passer devant nous deux chevaux « libres » qui traversent la route devant nous.

De retour à Léon, les filles se réveillent et nous dévorons quelques fruits achetés dans la rue. Nous reprenons rapidement la route. Nous visons « Paz del centro » sur la « nouvelle » autoroute qui mène à la capitale. La route alternative a été nouvellement pavée et est interdite aux camions. Elle semble donc être une meilleure option. Seul bémol : nous ne trouverons probablement rien pour se ravitailler ni dormir sur plus de 100km.

Nous avons trouvé sur un blog de cyclotouristes australiens des informations sur la « nouvelle » route. Elle est d’après eux extrêmement chargée en camions et avec de très mauvais bas cotés, quand il y en a. Nous décidons de rouler jusqu’à la bifurcation avant de faire un choix.

A la sortie de Léon, nous sommes percutés en pleine face par un vent violent. Le soleil est maintenant bien présent au dessus de nos têtes. En quelques secondes, notre vitesse moyenne s’écroule à 9km/h alors que la route est droite, en bonne état et en faux plat descendant. Les rafales de vent sont terribles, et combinée aux appels d’air des camions qui nous doublent, elles manquent à plusieurs reprises de nous renverser dans le bas côté.

Pendant 20km nous luttons pour progresser, le vent soulève du sol aride des nuages de poussière qui se colle à notre peau, les gaz d’échappement nous encombrent les bronches.

Arrêt à l'ombre pour le changement de pilote
Arrêt à l’ombre pour le changement de pilote

Charlotte prend le relais sur la carriole à l’intersection entre les routes « nouvelle » et « ancienne ». Etrangement la « nouvelle » route semble en excellent état et nous prenons donc plein Est sur celle-ci. Le vent passe alors instantanément de travers et semble forcir encore.

La chance nous sourit malgré tout car la route semble en effet avoir été intégralement refaite ! L’asphalte pourrait presque encore fumer. Elle nous offre une bande d’arrêt d’urgence juste assez large pour la carriole. Le traffic est très dense mais nous sommes à l’abris, à « droite de la bande blanche ». Nous atteignons La Paz del Centro vers 12h30, après 56km de lutte acharnée avec le vent. Nous nous affalons dans un Comedor et engloutissons un plat de poulet, riz, haricots rouge avec une bouteille de Coca. Nous avons l’impression de rayonner de chaleur tellement le soleil a tapé.

 Comme il est encore tôt en fin de repas, nous décidons de pousser jusqu’à la prochaine ville, Nagarote, 16km plus loin. Le vent de nous offre aucun répit sur ces kilomètres.

La recherche d’une auberge à Nagarote est compliquée et nous quadrillons la ville pendant un bon moment, demandons aux locaux qui nous envoient tantôt vers un hôtel trop cher, tantôt vers une auberge fermée.

Assoiffés, nous nous arrêtons dans un mini-supermarché pour acheter de l’eau et demandons à la propriétaire où trouver un toit pour la nuit. Elle échange quelques mots avec son fils qui se lève et vient nous proposer de nous accompagner avec son vélo !

Nous partons donc avec Kevin à travers la ville. Il s’amuse à prendre quelques selfies en route avec notre curieuse cargaison. Après quelques minutes à rouler, il nous semble arriver en bord de ville. Lorsque que nous quittons le bitume pour s’engager sur un chemin au milieu de nul part nous sommes saisi d’un doute. Et si Kevin n’était pas si bien attentionné ? Je l’interroge et il me répond que l’hôtel n’est pas loin. Le radar à arnaques est réglé au plus sensible. Nous traversons un terrain vague et nous dirigeons vers un bâtiment vétuste. En arrivant devant le portail on lit « hotel california », ouf. Kevin prend encore quelques photos et nous laisse après nous avoir accompagné pour la visite de la chambre. Adorable. La chambre est petite, avec un seul lit et des araignées dans la salle de bain mais ce sera parfait.

Welcome to the hotel california...
Welcome to the hotel california…

Rassurés d’avoir trouvé un toit et exténués par cette journée, nous partons nous ravitailler et trouver des « Quesillos », la spécialité locale dont tout le monde ne dit que du bien. Il s’agit de tortilla garnie d’un fromage ressemblant (un peu) à de la mozzarella, d’oignons et de crème. A priori le rêve de tout cycliste en manque de calories. Finalement les Quesillos sont assez fades et ne mérite probablement pas tant d’éloges.

Dégustation de Quessillos
Dégustation de Quessillos

En route pour Managua

Le 22 à 6h, après une nuit tassée à 4 dans le lit double de notre chambre d’hôtel, nous reprenons la route pour Managua, la capitale qui regroupe plus d’un million d’habitant. Nous n’aimons pas les villes, mais là, nous n’avons pas vraiment le choix. A priori l’étape est simple : 45km, route plate. Malheureusement le vent ne nous laisse aucun répit. A peine sortis de l’enclave de notre hôtel, nous prenons à nouveau un vent fort et constat en pleine figure.

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 Nous progressons lentement mais surement jusqu’au kilomètre 30 qui marque l’arrivée à Managua. Le traffic est alors encore plus dense et les camions semblent bien plus nombreux que les voitures. Nous rentrons en ville par « la petite porte » : une route repérée sur la carte qui nous évite un certains nombre d’échangeurs. Nous arrivons pas le Nord-Ouest et visons une auberge dans le Sud.

La ville est très surprenante. Pas de nom de rue (véridique), pas de « centre » à proprement parlé. On dirait un village qui à grossit horizontalement, sans jamais se densifier sur l’axe vertical. Les charrettes tractées par des chevaux ont cédé leur place aux moteurs à (fortes) explosion et à leur nuage de fumée qui, dans cette fournaise, nous projette en enfer. Voitures, motos, bus et camions sont partout. Les klaxons ne s’arrêtent jamais de hurler. A deux reprises Charlotte me hurle de me rabattre parce qu’un automobiliste a décidé qu’il ne se pousserait pas. Pour couronner le tout, nous ressentons une certaine forme d’agressivité dans les « encouragements » des locaux. Pendant ces 10km de traversée urbaine nous nous arrêtons à plusieurs reprise pour relâcher nos efforts constant de concentration.

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Chavez – Managua

Managua Backpackers’Inn, l’art de mal recevoir

Je n’aime pas faire ça, mais cette auberge nous a tellement déçu que nous devons le mentionner. A la réception, je demande, comme d’habitude, une chambre pour 2 adultes et 2 enfants et j’indique que nous voyageons à vélo. On me signale qu’il ne reste que 3 places en dortoir et je propose de les prendre car les filles peuvent dormir dans un même lit. Le tarif est horriblement cher, mais bon, c’est une capitale.

Alors que nous commençons à décharger nos vélos, le patron sort de son bureau. Ce Canadien réputé dans les guides de voyages pour augmenter souvent ces tarifs, semble surpris de voir les filles. Il échange quelques mots avec le réceptionniste et nous annonce que nous ne pouvons pas rester. Il ne veut pas d’enfants dans un dortoir. J’argumente en disant que nous ne restons qu’une nuit, que nous prenons la route à 6h, que nous sommes tous épuisés et que nous avons déjà payé. Face à son refus et à l’absence d’alternative je lui propose de planter la tente dans la grande cour de l’auberge. Non. « si je fais ça je dépasse la capacité de l’hôtel et les autres voyageurs risquent de râler car vous monopoliser la salle de bain ». Il nous achève en disant « désolé mais je ne fais pas la charité et je n’ai pas de tarif pour ça » ! Comment, dans un pays aussi peu « normé » peut on se poser tant de questions ! Nous étions prêts à payer une chambre privé juste pour poser notre tente sur du béton et dormir…

Profondément dégoutés et humiliés nous rechargeons nous vélos et trouverons finalement plus loin une autre auberge qui nous réserve un accueil des plus chaleureux… Enfin !

Nous sommes vannés, rôtis par le soleil, saoulés par le vent, cassés par la route et épuisés de toute l’attention qu’il a fallut donner sur la route. Il faut repartir vite, le plus vite possible et le plus loin possible de cette ville.

14 commentaires

  • Bonjour la petite famille,

    Je continue à suivre vos aventures ! tous les jours !!! bravo pour votre volonté ! Liv et Tess sont effectivement exceptionnelles ! Je lis que Charlotte a soufflé ses bougies donc BON ANNIVERSAIRE ! je vous embrasse très fort. Et bientôt le Costa Rica !!!! bisous

  • Et dire que beaucoup se faisaient du souci pour les filles ! Elles sont exceptionnelles (elles ressemblent à leurs parents). Bonne continuation à tous. Nous voyageons avec vous. A propos, il n’y a que peu de temps que les rues de Belleydoux portent un nom !
    Bises
    Claude et JL

  • Bon anniversaire Charlotte
    33 gros bisous de la part de Brigitte romain olivier
    merci de nous envoyer un peu de soleil car ici il fait frais et la couette est toujours sortie
    Nous prenons plaisir à vous lire
    bisous à vous 4

  • Auriez-vous pu imaginer la dose de concentration nécessaire, indispensable, vitale pour ce grand voyage, chapeau !
    Bravo encore pour vos écritures, c’est vraiment passionnant. Je.. Vous embrasse

  • eh ben c est pas de tout repos!!! heureusement que vous roulez en short car bientot vous ne pourrez plus renter vos mollets dans les pantalons!!! merveilleux quel courage…………….
    gros gros bisoussssssssssssss

  • Quelle aventure , les enfants !!!
    Les filles sont toujours aussi belles !!!
    Charlotte aussi …quant à toi, Lilian , no comment …:-))
    on vous embrasse trés fort

  • C’est toujours bon de vous lire les amis! On pense bien à vous. Lison parle beaucoup de ses copines Liv et Tess ! Par contre on a déjà fait tous les Mouk en Amérique du Sud, vous voulez pas changé un peu de continent ;)
    On vous embrasse très fort. Take care comme ils disent par chez nous !

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