Nous avons bien compris que la chaleur joue contre nous alors nous partons tôt ce matin de El Remate pour nous diriger vers le sud. Faute de connexion internet et de bons conseils des personnes croisées, nous partons « à l’aventure ». C’est la première fois que nous décollons de notre emplacement le matin sans avoir identifié de lieu où dormir le soir. Sommes-nous en train de lâcher prise et laissons-nous l’aventure nous porter ?

Quelques jours auparavant nous avons croisé Robin, une américaine en vélo qui se dirige aussi vers la Patagonie. Robin est une experte en voyage, elle est sur la route depuis près de 20 ans et nous absorbons ses bons conseils. Elle nous dit qu’elle part tôt le matin et pédale jusqu’à 14h. A partir de là elle cherche un endroit où dormir. Elle campe la plupart du temps… nous restons admiratifs face à sa capacité à trouver un terrain pour camper, comme ça ! Elle nous donne ses astuces : deux applications sur lesquels les terrains de camping sont indiqués (Galileo et ioverlander). Nous prenons bonne note !

Pour le moment, nous n’avons pas plus d’information sur où nous serons en mesure de trouver un endroit où camper, ni même un hôtel. La carte nous donne des points de vie, des lieux-dits… il n’y a plus qu’à aller voir.

Vincent, notre compatriote et aussi tour operator local qui est passé par cette route il y a quelques jours, nous a dit que nous trouverions de quoi dormir et nous a surtout averti qu’il fallait s’attendre à pas mal de dénivelé en direction du sud.

Nous repartons en arrière sur la route vers Flores prise quelques jours auparavant. Le macadam est de bonne qualité, il fait déjà très chaud à 8h du matin. Nous nous faisons doubler par deux camping-car déjà vus la veille sur la route : des canadiens et des français, ils nous font des grands signes d’encouragements. Cela fait plaisir ! Il faut avouer que nous n’en manquons pas. Toutes les personnes croisées sur le bord de la route arrêtent ce qu’elles font pour regarder notre caravane passer. Nous lançons des « Holà ! » « Buenos Dias ! » à n’en plus finir. Les sourires se lisent sur les visages, c’est très agréable. Cela nous connecte d’une certaine façon aux Guatémaltèques malgré la barrière de la langue.

Alors que nous entamons une montée nous voyons au loin un vélo qui arrive vers nous, cette fois-ci le vélo a une allure bien différente des autres… En effet ce n’est pas un local, le vélo a trop bonne allure et son propriétaire n’est pas assez bronzé. Nous nous arrêtons, il fait demi-tour et vient nous rejoindre. Nos drapeaux bleu-blanc-rouge dévoilent tout de suite notre provenance et Alain de Montauban nous aborde en français. Nous échangeons un bon moment sur nos parcours passés et à venir, les bons plans s’échangent. Le soleil commence à bien frapper et le temps passe. Nous avons tous de la route. Nous nous quittons en nous disant que nous nous reverrons probablement en Amérique Centrale ou certainement en France, peut-être au salon du cyclotourisme dont il nous a beaucoup parlé.

Nous continuons notre route en alternant le « tirage » de la carriole tous les 20 km. La route est bonne, le traffic est modéré et nous allons bon train. Celui qui ne tire pas les filles est à l’arrière. C’est le copilote qui annonce a celui qui est devant l’arrivée des camions, pick-up ou motos. Cela permet à celui qui est en tête de se concentrer uniquement sur ce qu’il se passe en avant. Le copilote assure aussi la communication « externe » , il envoie les «  Holà ! » et les signes de remerciements aux camions et voitures quand les conditions ne le permettent pas au pilote.

Vers 11h nous approchons du village sur lequel nous comptons pour trouver un coin où dormir : Santa Anna. Nous ne voyons pas l’âme d’un hôtel. Nous n’avons fait que 30km et les conditions sont bonnes, nous continuons.

Au bout de quelques kilomètres nous comprenons que nous ne trouverons pas d’hôtel en pleine nature comme il y en avait quelques dizaines de kilomètres en arrière. Qu’à cela ne tienne, on avance. Il fait chaud mais malgré les butes que nous avons à franchir nous avançons bien : 15km/h de moyenne. Nous arrivons au village suivant, enfin sur notre carte c’est un village mais nous l’avons traversé sans nous en rendre compte. Nous devons nous préparer mentalement à aller jusqu’à Dolores, située 50km plus loin. Nous changeons la carriole de vélo, cela fait déjà 40km que nous roulons. Faire 90km aujourd’hui nous semble ambitieux mais mieux vaut s’y préparer.

Au kilomètre 50 nous trouvons un endroit où acheter de l’eau, nous en profitons pour demander où nous pouvons trouver un lieu où dormir. Il y a un hôtel sur place et nous trouverons aussi des hôtels dans 10km. Il est à peine 13h, on continue, 10km ce n’est plus grand chose… sauf que maintenant la chaleur est à la limite du supportable. Nous passons un paquet de collines qui ressemblent plus à des buttes de terre géantes qui semblent avoir été posées là en guise de ralentisseurs géants. A cela il faut ajouter les dos d’âne nommés « Tumulos » qui sont placés en entrée et sortie de village. En terme de ralentisseurs ils ne font pas les choses à moitié ici, ce sont des blocs de bétons qu’il faut passer au pas sinon on laisse un bout de carrosserie sur place. En vélo, ces tumulos sont synonymes de perte de tout élan, à la montée et à la descente : une véritable punition !

Un hôtel est annoncé sur un panneau, qui, on l’espère n’est pas à la couleur de l’hôtel. Nous allons visiblement pouvoir nous arrêter là, sans pousser jusqu’à Dolores, 30km plus loin. Nous commençons à en avoir plein les pattes. Nous approchons de El Chal. L’entrée de la ville est là mais je ne peux plus, j’ai (Charlotte) un coup de chaud. Je m’arrête sur le côté, trop c’est trop ! Je ne sais pas combien de litres d’eau nous avons perdu sur ces derniers kilomètres. Lilian prend le relai pour les quelques kilomètres de montée restant avant d’arriver à l’hôtel. Nous sommes rincés.

Notre halte pour la nuit.
Notre halte pour la nuit.

Bilan de la 1er journée : 62km/500m D+ par 35°C

Première nuit dans un hôtel dont la propreté des matelas est douteuse, nous dormons en prenant soin de placer nos tapis de sol par dessus les matelas. Nous passons une nuit horrible, il fait une chaleur épouvantable et le bruyant ventilateur n’y change pas grand chose. La sueur nous colle à nos matelas. Contents que 6h00 arrive nous sautons dans nos cyclistes et reprenons la route !

Harry, le gérant de l’hôtel à El Chal avec qui nous avons discuté la veille, nous avait annoncé la route du lendemain comme facile, plate et d’environ 45km. Nous n’y croyons pas à la vue de notre carte mais il nous a tout de même semé le doute. Le problème en vélo c’est qu’une bonne partie se fait avec la tête et là on ne sait plus quoi penser.

Nous visons Dolores dans un premier temps, il nous reste 30km pour l’atteindre et en fonction des routes nous aviserons pour statuer si nous continuons vers Poptun, où il nous a été conseillé d’aller à la Finca Ixobel un petit paradis parait-il.

L’air est humide, une bruine nous tombe dessus toute la journée, nous sommes loin du coup de chaud de la veille, cela fait du bien. Mais il nous faut faire doublement attention car la route est glissante. Dans le premier virage d’une longue montée, Lilian qui tire la carriole en fait les frais. Les bas côtés ne sont pas très bons, la partie extérieure de la route n’a qu’une seule couche de bitume ou pas du tout à certain endroit, il y a donc une marche ou un couvert végétal. Alors que Lilian serre l’intérieur du virage pour laisser de la place aux éventuelles voitures, la carriole glisse dans la rigole d’évacuation des eaux et l’entraine avec elle. Rien de grave, il est simplement coincé avec tout le chargement. Je le double pour poser mon vélo un peu plus haut et l’aide à sortir de là. Premier coup de chaud dans cette fraiche journée !

Nous entamons les 30km de montée, ça monte tout doux dans l’ensemble et c’est presque sans efforts (le presque est important) que nous arrivons à Dolores à 11h. Nous installons un camp très éphémère sur un immense terrain vague en bordure de route. Probablement un nouveau chantier. Quelques minutes plus tard une fratrie nous apporte deux chaises en plastique et un petit banc pour les filles. Cette rencontre nous enchante et nous ne pouvons que regretter de ne pas avoir encore un espagnol suffisamment bon pour discuter avec ces deux soeurs. La gentillesse des gens ne cesse de nous surprendre et c’est pour notre plus grand plaisir.

Déjeuner tout confort.
Déjeuner tout confort.

Après cette brève pause nous reprenons la route, nous en avons encore sous la pédale et les 30km restant nous semblent faisables. Quelle belle surprise, un faux plat descendant de près de 10km nous attend. Celui ci fait du bien aux jambes et au moral.

Une moto nous dépasse puis fait demi tour, son conducteur, tout en roulant à notre vitesse, nous pose les questions classiques : d’où venez vous? où allez vous ? … Lilian assure le rôle de copilote à merveille en entamant la discussion avec lui. Il nous escorte ainsi sur quelques kilomètres. Puis arrivé à sa destination, il nous fait ses adieux et nous quitte tout sourire.

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Les paysages nous régalent les yeux. Nous traversons des champs de maïs et des pâturages. Le décor est surprenant les collines ne sont pas très hautes mais très raides et reflètent toutes les nuances de vert. Nous n’expliquons pas l’origine de ces monticules, ils sont très surprenants. Nous sommes enchantés par ce que nous voyons et ceci aide à gravir les 1200m de dénivelé de la journée.

Nous atteignons le petit coin de paradis dont nous avions entendu parlé. Nous arrivons sous les averses de pluie, il fait frais. Nous y serons bien ici pour quelques jours de repos qui nous permettrons de préparer la suite.

Et pendant ce temps là, que font les filles?

Liv et Tess sont adorables, elles jouent dans la carriole, écoutent des chansons et se reposent. Nous mesurons la chance que nous avons d’avoir des filles qui peuvent rester ainsi pendant de longues heures à s’occuper. Il s’avère que leur carriole est leur univers, nous ne pouvons pas y rentrer et elles apprécient de s’y retrouver toutes les deux.

Nous comprenons de plus en plus leurs besoins et leurs attentes. Le rythme du voyage est en bonne route.

Nous avons plaisir à rédiger nos aventures, nous vous remercions pour vos encouragements.

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